Dans la salle du Conseil de Paris, ce vendredi après-midi, l'heure est aux questions d'actualité. Invité à répondre aux interpellations des élus sur la police municipale et sur les violences policières, le préfet de police Didier Lallement conclut son propos par un hommage appuyé à Christophe Girard, l'ex-adjoint d'Anne Hidalgo à la culture qui a démissionné la veille : «J'adresse un salut républicain à Christophe Girard qui nous a donné hier une grande leçon de dignité, et je veux saluer l'homme.» Un coup de provoc qui va mettre le feu aux poudres : si dans l'assemblée, la quasi-totalité des élus (excepté les écologistes et Danielle Simonnet) se lèvent pour une standing ovation, l'élue verte du XIIe arrondissement, Alice Coffin voit rouge et crie : «La honte ! La honte !» La scène est révélatrice de la crise que traverse la majorité rose-verte de la capitale, à peine réinstallée dans le sillage des municipales.
«Ça suffit !»
La zizanie est telle que la maire de Paris est montée au créneau, ce vendredi en fin de journée, en annonçant qu'elle allait saisir la justice : «Ça suffit ! Hier, des propos indignes ont été proférés et des banderoles infamantes brandies. Je déférerai devant les tribunaux les graves injures publiques qui ont été dirigées contre la mairie de Paris. Je ne laisserai rien passer», a-t-elle tweeté. Hidalgo fait allusion aux bannières «Bienvenue à Pedoland» et «Pedo en commun» aperçues dans une manifestation à laquelle ont pris part jeudi des élues directement pointées du doigt par l'édile : «Je prends acte du fait que les deux élues siégeant dans le groupe des Verts au Conseil de Paris [Alice Coffin et Raphaëlle Rémy-Leleu, ndlr] qui ont incité et soutenu ces comportements, se placent ainsi d'elles-mêmes en dehors de la majorité municipale et des valeurs qui nous rassemblent.» Le divorce semble consommé. Dans les rangs écologistes, on assure pourtant que les deux élues sont bien toujours membres de la majorité «dans la mesure où elles sont plus que jamais membres du Groupe écolo de Paris (GEP)».
Condamnations et plein soutien
Depuis plusieurs jours déjà, le GEP, pourtant partenaire de Paris en commun, sommait la maire de suspendre l'élu du XVIIIe arrondissement le temps qu'une enquête de l'Inspection générale de la ville fasse la lumière sur son supposé soutien à l'écrivain Gabriel Matzneff, accusé de pédocriminalité. Refus catégorique d'Anne Hidalgo, pour qui l'affaire Girard est un «non-sujet» comme elle l'a expliqué dans les colonnes du Parisien, rappelant qu'il «a simplement été entendu comme témoin mais n'est visé par aucune plainte». L'ex-secrétaire général de la maison Yves Saint Laurent démissionne finalement quelques heures plus tard, expliquant que sa priorité est qu'«Anne Hidalgo puisse exercer son mandat sereinement».
Et j’exprime toute mon affection et mon soutien à mon ami Christophe Girard, victime d’un déversement de haine et de violence inacceptable et qui, je le rappelle, n’est ni de près ni de loin visé par la moindre plainte.
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) July 24, 2020
«Je suis écœurée. Dans quelle démocratie vivons-nous où le droit est piétiné par la rumeur, les amalgames et les soupçons ?» réagit alors sur Twitter la maire de Paris, avant de réaffirmer son «affection» et son «soutien» à «son ami Christophe Girard victime d'un déversement de haine et de violence inacceptable». Dans les rangs de Paris en commun, la pression mise par certains de ses partenaires, notamment lors d'une manifestation devant la mairie est un affront. «Nous avons un problème, affirme le premier adjoint, Emmanuel Grégoire, au micro de France Info. Nous souhaitons clarifier les relations de travail. Quand on travaille ensemble, il faut respecter les autres et en l'occurrence il y a eu un manque de respect évident.» Il affirme aussi attendre des excuses d'Alice Coffin et des écologistes concernant les «excès» de la manifestation de la veille.
Pressés de réagir, les écologistes, à l'image de David Belliard, assurent condamner les banderoles, mais insistent également sur le fait qu'ils soutiennent pleinement Alice Coffin et Raphaëlle Rémy-Leleu. Et si les relations sont loin d'être au beau fixe avec leurs partenaires de Paris en Commun, il n'est pour l'heure pas question de quitter la majorité pour les Verts : «Ce n'est pas notre volonté, on a signé un accord de second tour parce qu'on se retrouve sur énormément de choses concernant le fond et il est urgent d'agir ce qui ne peut se faire qu'au sein de la majorité», confirme-t-on à l'intérieur du groupe.