Courtepaille, Camaïeu, André, la Halle… Toutes ces marques, installées depuis des décennies dans le quotidien et le cœur des Français, ont un autre point commun. Elles sont en train de mourir de ce qui leur a, un jour, épargné la faillite : le LBO. Ce nom ne vous dit rien ? Normal. L'acronyme, familier aux étudiants en école de commerce, signifie leveraged buy out, pour «opération à effet de levier». En clair, le rachat d'une entreprise avec un apport minime d'argent propre mais la constitution d'une dette, dont le remboursement est engagé sur les bénéfices à venir. Une opération à haut rendement, et la promesse d'un joli pactole à la clé en cas de succès : 10 millions d'euros investis pour s'offrir une boîte à plus de 100 millions peuvent être multipliés par 20 ou 50 en quelques mois. La technique, inventée en pleines Trente Glorieuses aux Etats-Unis, a été remise au goût du jour après les crises de 2008 et de 2011 : d'un côté, des entreprises endettées et lessivées par l'onde de choc post-subprimes ; de l'autre, des taux d'intérêt historiquement bas. Le cocktail idéal pour les financiers, dont l'appétit se réveille pour le LBO et sa promesse de hauts rendements. Si le risque est maîtrisé côté investisseurs, les salariés sont souvent, eux, la première variable d'ajustement, et l'Etat appelé à la rescousse quand l'affaire périclite. Tolérable quand il s'agit de partager les fruits de la croissance, le grand écart devient inacceptable quand survient la crise : alors qu'ouvriers et salariés pointent au chômage, les investisseurs voient, eux, leur solvabilité préservée. Utile, parfois salvateur, le LBO est surtout pour les fonds d'investissement un outil efficace de profit. A défaut de régulation, la responsabilité des acrobates de la finance continuera en toute impunité de se dissoudre dans les actifs des entreprises qu'ils rachètent. Et les pouvoirs publics réduits à payer les pots cassés.
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