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LR entre prudence et embarras sur le cas Aurane Reihanian

Le parti s’interroge sur les suites politiques à donner aux révélations de «Libération» sur le président des Jeunes Républicains, accusé de tentative d’agression sexuelle par une militante.
Le président du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, et son protégé Aurane Reihanian, en août 2018. (Photo Konrad. SIPA)
publié le 29 juillet 2020 à 20h41

«Pas de commentaires.» Dans l'entourage de Laurent Wauquiez, on ne dit rien. Laissez dire, comme toujours lorsque cela concerne Aurane Reihanian. Et attendre que l'orage passe. Sauf que cette fois, le président des Jeunes Républicains est sur la sellette. Déjà visé par une enquête pour «agression sexuelle», le protégé de Laurent Wauquiez est au cœur d'une autre affaire. Selon les informations de Libération, il lui est reproché d'avoir tenté d'agresser sexuellement une militante LR en septembre 2017, à Nîmes. Accusations qu'il dément. Mais pas de commentaires, donc, se borne-t-on à dire du côté de Laurent Wauquiez.

Chez Damien Abad, président du groupe LR à l'Assemblée, on prône aussi le silence. «Comme pour chacune des affaires non jugées, qu'elles concernent mes adversaires ou ma famille politique, ma réaction est toujours de ne pas commenter. Au nom de la présomption d'innocence et du respect de l'indépendance de la justice», assure-t-il. Damien Abad, député de l'Ain, connaît pourtant bien Aurane Reihanian : c'est lui qui, en mars 2016, l'a nommé responsable des Jeunes LR du département.

Mais cette fois le silence pourrait ne pas suffire. Car depuis les révélations de Libération, le parti de la rue de Vaugirard est en émoi. Mardi soir, le sujet a été abordé par le président, Christian Jacob, et son secrétaire général et numéro 3, Aurélien Pradié. «Une décision va être prise dans les prochains jours, assure ce dernier. C'est un sujet trop important à mes yeux et aux yeux du parti. Il faut que l'on soit plus exemplaires que le gouvernement ne l'est.»

«Casseroles». Ecarter Reihanian ? Le sanctionner ? Dans les faits, la direction de LR n'a aucun moyen statutaire pour forcer le patron du mouvement de jeunesse à quitter ses fonctions. Mais à titre personnel, Aurélien Pradié, très engagé sur le sujet des droits des femmes, souhaite qu'Aurane Reihanian se mette en retrait de son poste. «Jusqu'à la prochaine élection du président», ajoute le député du Lot. Une position partagée par le secrétaire général adjoint de LR chargé de la jeunesse et de la rénovation, Pierre-Henri Dumont. «Afin d'assurer au mieux sa défense, dans le respect de la présomption d'innocence, et de préserver le mouvement jeune, Aurane Reihanian doit se mettre en retrait», explique-t-il. Un pas de côté qui doit durer «jusqu'à la convocation d'une nouvelle élection des jeunes, après refonte des statuts». L'élection, prévue pour avril 2021, devrait finalement avoir lieu dès que LR aura convoqué un congrès pour modifier ses statuts.

En attendant, le cas Reihanian inquiète dans les rangs du parti. «Apparemment, ce type de situation n'est pas un cas isolé chez lui et on risque d'avoir beaucoup d'autres témoignages, se désole un haut cadre du parti. On se voit mal ouvrir les universités d'été de LR avec lui à la tribune.» Le même s'interroge : pourquoi Laurent Wauquiez le protège-t-il ainsi depuis des années ?

«La campagne pour la présidence des Jeunes LR n'avait été qu'une démonstration des casseroles d'Aurane Reihanian et on nous a toujours envoyés bouler…» souffle Charles-Henri Alloncle, candidat malheureux en 2018. Juste avant l'élection, Reihanian avait été enregistré en train de discuter de la meilleure façon de frauder. Aucune sanction n'avait été prise à son encontre et la haute autorité de LR avait, finalement, validé l'élection.

Le jeune homme paraît jouir d'une immunité auprès du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Cela n'est pas nouveau et cela n'est, semble-t-il, pas fini. Tête de liste LR pour les municipales à Bourg-en-Bresse, il avait dû quitter son poste de conseiller technique dans le cabinet de Laurent Wauquiez pour pouvoir se présenter. Largement battu par le socialiste et maire sortant, Jean-François Debat, dès le premier tour, il siège désormais comme conseiller municipal d'opposition. «Mais il est revenu à la région, on l'a croisé à la cantine tout de suite après les municipales», glisse-t-on dans l'entourage de Jean-François Debat, également chef de file des élus PS au conseil régional. Aurane Reihanian figure bien dans l'annuaire interne de la région que Libération a pu consulter. Il est présenté comme chargé de mission sous l'autorité du délégué général aux relations avec les élus et les territoires, Ange Sitbon.

«Détruire». Secrétaire général adjoint de LR pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, Alexandre Vincendet joue néanmoins la prudence. «Il faut être vigilant face à ces accusations, mais il faut également faire attention car on peut détruire la vie de quelqu'un. Reihanian est jeune, il n'a pas 30 ans», résume-t-il, oubliant que la militante qui témoigne avait 20 ans à peine au moment des faits. Lui aussi connaît bien Aurane Reihanian. Il est le maire de Rillieux-la-Pape, dans le Rhône, à deux pas de l'Ain, fief politique de Reihanian. «C'est un garçon que j'aime bien, et personnellement, je l'ai toujours vu correct», assure-t-il.

Mais, faisant un lien avec une autre affaire, ce cadre LR mesure également les problèmes politiques : «Je ne fais pas partie de ceux qui réclament la tête du ministre de l'Intérieur, mais vous faites comment pour demander la démission de Gérald Darmanin lorsque vous avez chez vous quelqu'un qui a ce type d'accusations ?»