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Violences sexuelles sur mineurs : le gouvernement va lancer une commission indépendante

Dans un entretien au «JDD», le secrétaire d'Etat à la Protection de l'enfance, Adrien Taquet, dit vouloir mettre fin à «l'impunité des relations sexuelles avec les mineurs». La commission sera lancée à l'automne.
Le secrétaire d'Etat à la Protection de l'enfance, Adrien Taquet, en septembre à Paris. (Photo Ludovic Marin. AFP)
publié le 2 août 2020 à 14h29

«Il faut que nous affirmions clairement, en tant que société, que l'impunité des relations sexuelles avec les mineurs, c'est fini.» Le ton se veut ferme, et l'affichage, volontariste. Dans un entretien au Journal du dimanche, le secrétaire d'Etat à la Protection de l'enfance, Adrien Taquet, annonce la création à l'automne d'une commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants. Cette nouvelle instance, précise-t-il, sera «dotée d'un budget propre, et composée de magistrats, de médecins, de psychologues et de sociologues». «Notre modèle est la commission Sauvé sur la pédocriminalité dans l'Eglise», poursuit Adrien Taquet, faisant référence à la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase), créée en 2018 par l'épiscopat catholique, et chargée d'enquêter sur les faits de pédocriminalité commis au sein du clergé depuis les années 1950, sous la houlette du haut fonctionnaire Jean-Marc Sauvé.

«L’inceste est le dernier des tabous»

«Cette nouvelle instance sera centrée pour l'essentiel sur le cercle familial, qui concentre 80% des violences, et doit d'abord nous permettre de mieux connaître le phénomène. L'inceste est le dernier des tabous», fait savoir le secrétaire d'Etat, qui cite «la seule étude d'ampleur» menée aux Etats-Unis, selon laquelle 6% de la poopulation outre-Atlantique aurait été victime d'inceste. «Transposé à la France, cela correspondrait à 4 millions de personnes», évalue-t-il. Dans une étude sur les violences sexuelles à caractère incestueux remise en 2017 à l'ex-ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, une équipe de chercheurs du CNRS appelait à «en finir avec la thèse misérabiliste selon laquelle les violences incestueuses seraient l'apanage des familles défavorisées. Ce stéréotype fait écran à l'appréhension de la réalité ordinaire de l'inceste, qui reste extrêmement vivace».

Reprenant les données de l'enquête Violence et rapports de genre (Virage) menée par l'Ined en 2015, les auteurs estimaient qu'au cours de leur vie, 5% des femmes et un peu moins de 1% des hommes de 20 à 69 ans ont été victimes de viol ou tentative de viol ou d'attouchements dans le cadre familial ou de l'entourage proche et que dans 90% des cas (concernant les femmes) et 100% pour ce qui est des hommes, les faits se sont produits pour la première fois avant les 17 ans de la victime.

«Maintenir ce sujet en haut de l’affiche»

A propos de l'affaire Matzneff, Adrien Taquet estime que «c'est trop facile de dire que Matzneff, c'est l'histoire d'une époque, d'un milieu ou d'un quartier de Paris, d'un homme. La vraie question qui doit nous interroger, c'est pourquoi cela a mis trente ans à sortir alors que beaucoup savaient». Saluant la libération de la parole dans de nombreux domaines, du sport à la littérature, le secrétaire d'Etat appelle à «maintenir ce sujet en haut de l'affiche».

Interrogé sur l'épineuse question d'un seuil d'âge en dessous duquel un mineur serait automatiquement considéré comme non consentant, dont la mise en place fut un temps envisagée au moment de l'adoption de la loi Schiappa sur les violences sexistes et sexuelles en 2018, mais finalement abandonnée par le gouvernement, Adrien Taquet botte en touche, renvoyant à la mission d'évaluation de cette loi confiée en début d'année à la députée LREM Alexandra Louis, dont les conclusions étaient initialement attendues en avril. En janvier, l'ex-secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, désormais chargée de la citoyenneté, s'était «engagée personnellement» à «rouvrir les travaux sur ce texte» si la mission d'information en pointait le besoin.