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Justice

Pourquoi trois militaires de la DGSE ont été mis en examen pour «tentative d’homicide»

La justice enquête sur une tentative de meurtre contre une femme de 54 ans. Cinq hommes sont poursuivis, dont trois appartiennent au très opaque service action de la DGSE.
(Photo Martin Bureau. AFP)
publié le 5 août 2020 à 19h40

Une conspiration impliquant des militaires de la DGSE, le principal service de renseignement extérieur français, dans le but de tuer une femme dans une banlieue parisienne : c’est le scénario invraisemblable sur lequel travaille la justice depuis quelques semaines.

D'après les éléments communiqués mercredi par le parquet de Paris, l'affaire démarre apparemment de façon fortuite. Le 24 juillet au matin, des policiers prévenus par un riverain contrôlent deux hommes dans une voiture à Créteil (Val-de-Marne). Le véhicule, volé, porte une fausse plaque d'immatriculation. A l'intérieur, les policiers découvrent des couteaux de l'armée et un sac contenant un 9 mm prêt à servir. Les deux occupants sont placés en garde à vue. Ils «semblaient s'apprêter à mettre à exécution un projet criminel au préjudice d'une femme âgée de 54 ans» habitant à proximité, précise le parquet.

Habilités «secret-défense»

C'est au cours de ces auditions que l'affaire prend une tout autre tournure : les deux hommes expliquent qu'ils sont militaires, travaillent pour la DGSE et plus précisément le service action, comme l'a révélé le Parisien. Le «SA» est l'une des entités les plus protégées d'une institution par ailleurs cadenassée par le secret. L'affaire qui leur vaut une garde à vue, puis une mise en examen notamment pour «tentative d'homicide volontaire en bande organisée», serait néanmoins d'ordre privé, et n'aurait aucun lien avec leur profession.

Les deux suspects, affectés au Centre parachutiste d'entraînement spécialisé (CPES) de Cercottes, dans le Loiret, ne seraient pas des opérationnels à proprement parler : ils ne réaliseraient pas des missions secrètes à l'étranger, mais assureraient la protection du site. Selon le Monde, ils relèvent de la Compagnie de commandement et de logistique. Ils n'en demeurent pas moins habilités «secret-défense», et ont donc dû faire l'objet d'un «criblage», d'une vérification, théoriquement assez poussée, de leurs antécédents et de leurs fréquentations.

Détention provisoire

Très vite, un troisième suspect est interpellé grâce à l'exploitation de la téléphonie des deux premiers. Lui n'appartient pas à la DGSE mais exerce «dans le domaine de la sécurité privée», assure le parquet de Paris. Ces trois-là sont placés en détention provisoire. Le 30 juillet, un quatrième homme est arrêté, puis le lendemain, un cinquième, qui fait lui aussi partie du service de renseignement. Les deux derniers sont mis en examen, entre autres, de complicité de tentative d'homicide volontaire en bande organisée. Un seul est laissé libre, sous contrôle judiciaire. La cible de ce complot reste mystérieuse, les éventuels liens entre la femme de 54 ans et les suspects n'étant pas connus.

Pour la DGSE, une telle affaire est une très mauvaise nouvelle. Alors qu’elle bénéficie d’une bonne image, grâce à la série à succès le Bureau des légendes, voilà le service de renseignement mêlé à une histoire particulièrement trouble. Et ce n’est pas la première. Ces dernières années, le service établi boulevard Mortier, dans le XXe arrondissement parisien, a connu plusieurs épisodes judiciaires peu flatteurs. Deux anciens officiers viennent d’être condamnés pour trahison au profit de la Chine. Deux autres «ex» ont fait l’objet de poursuites dans le cadre d’une enquête, ouverte en septembre 2018, pour une tentative d’assassinat sur le sol français d’un militaire et opposant congolais en exil, Ferdinand Mbaou. L’un des deux, Daniel Forestier, lui aussi passé par le service action, a été retrouvé mort dans un parking de Haute-Savoie, en mars 2019, le corps criblé de balles.