Christophe Castaner se serait sans doute bien passé de la publication, fin juillet, d'un rapport d'observation de la commune de Forcalquier. Rédigé par la Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, le document, d'abord évoqué par le Monde, constate qu'il y a eu des «irrégularités manifestes en matière de gestion des ressources humaines» entre 2014 et 2018 dans la ville des Alpes-de-Haute-Provence. L'ex-ministre de l'Intérieur a été maire socialiste de cette commune d'environ 5 000 habitants entre mars 2001 et juillet 2017, jusqu'à ce qu'il entre au gouvernement et que son premier adjoint, Gérard Avril, lui succède.
Principal grief de la chambre régionale des comptes : la commune de Forcalquier a reporté d'année en année des heures supplémentaires non récupérées et non payées de ses agents ainsi que des congés. Sans limitation de temps dans les deux cas. Le résultat, au 31 décembre 2017, s'élève à 1 165 jours de congés reportés, «soit 175 000 euros si ces jours étaient payés» et «une dette envers ses agents de 275,58 heures supplémentaires» qui «peut être évaluée à 92 000 euros». La juridiction rappelle que «le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante» et que le seul report d'heures supplémentaires toléré «est celui portant sur le mois suivant». Le report de congés et d'heures supplémentaires d'année en année auquel s'est adonnée la mairie de Forcalquier est pointé comme «irrégulier».
Pas conforme au droit du travail
Cela se traduit par des situations ubuesques pour les 85 agents municipaux. Certains ont des reports d'heures supplémentaires depuis l'an 2000. Les trois recordmans des heures supplémentaires non prises en compte «ont atteint 296,75 heures, 290 heures et 459,5 heures» non payées. Un des agents a même «réalisé plus de 60 heures supplémentaires [par mois] durant neuf mois dans l'année» 2017, alors que le nombre d'heures est limité à un plafond de 25 heures par agent et par mois dans la fonction publique. Un agent a atteint «99,5 jours de congés reportés, à lui seul».
Entre 2014 et 2017, Forcalquier a vu baisser sa part d'agents titulaires, compensée par une hausse d'agents contractuels. Pour ces derniers, le rapport indique qu'un certain nombre d'entre eux ont bénéficié d'une indemnité mensuelle de congés payés, s'apparentant «fortement à un complément de rémunération». Pourtant, la loi dispose qu'un «congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice» chez les fonctionnaires territoriaux. Selon la chambre régionale des comptes, la commune aurait dû leur permettre de prendre des congés ou attendre la fin de contrat pour leur verser une indemnité.
Castaner a la tête ailleurs
Au-delà de la question des ressources humaines, la juridiction critique également certains marchés publics. Vingt marchés d'un montant supérieurs à 100 000 euros ont été contrôlés. Il en ressort des problèmes dans la passation et dans l'exécution. L'exemple le plus parlant est celui de travaux de voirie et de réseaux secs d'eaux pluviales menés en 2014. L'entreprise retenue pour conduire ce chantier avait présenté une offre d'un montant d'environ 220 000 euros, alors que le minimum estimé du marché était de 300 000 euros. La commune aura finalement déboursé près de 975 000 euros. Le chantier a donc «coûté 4,5 fois plus que le montant auquel il avait été initialement conclu». Peut-être fallait-il mieux définir ses besoins en amont, suggère la chambre des comptes…
Le 28 juin, la mairie de Forcalquier a été remportée par un candidat divers droite, après dix-neuf ans de règne de l'ancien ministre de l'Intérieur et de son successeur. Encore premier flic de France à cette date, Christophe Castaner avait décidé de ne pas se représenter, de même que Gérard Avril. Redevenu simple député, l'ex-ministre n'a plus la tête tournée vers les Alpes-de-Haute-Provence, mais vers la présidence du groupe LREM à l'Assemblée nationale. Lancé dans la course à la succession de Gilles Le Gendre, il affronte la concurrence des députés François de Rugy et Aurore Bergé.