Les grandes manœuvres en cours autour du groupe Lagardère pose des questions sur l’avenir d’Europe 1. La radio généraliste privée, qu’Arnaud Lagardère ne s’empêcherait plus de vendre, est regardée de très près par Vincent Bolloré et Bernard Arnault. Actionnaire de référence de Vivendi, donc propriétaire de Canal +, le premier aimerait rapprocher Europe 1 de CNews, sa chaîne d’info en pleine dérive droitière. A l’heure où le secteur des médias est chamboulé par l’arrivée de nouveaux concurrents et la diminution des recettes publicitaires, cette idée n’est pas dénuée de sens économique.
Quant à Bernard Arnault, qui possède les journaux les Echos et le Parisien, il est déjà présent dans l'audio avec la petite Radio Classique. Mettre la main sur la grande Europe 1 lui permettrait de se renforcer. Cette bataille industrielle est forcément aussi, à moins de deux ans de la présidentielle, une histoire politique, une affaire d'influence. «Macron préférerait qu'Europe 1 aille chez Bernard Arnault et Sarkozy pousse pour Bolloré», indique un proche du dossier. C'est oublier que Bernard Arnault a été le témoin de mariage de Nicolas Sarkozy.
Tête d’affiche
Depuis plusieurs années, l’antenne du groupe Lagardère cumule les contre-performances. D’après le dernier sondage Médiamétrie publié le 23 juillet, son audience cumulée a fondu à 4,5 %, très loin des 11,3 % de France Inter et des 11,1 % de RTL. Europe 1 n’a fidélisé que 2,4 millions d’auditeurs quotidiens sur la période mai-juin 2020. Ces résultats marquent une rechute de la station, qui affichait encore 5,4 % d’audience cumulée au premier trimestre 2020, avant le confinement.
Ces derniers chiffres de Médiamétrie sont aussi inférieurs à ceux de l'an dernier, sur la même période (4,6 % en juillet-août 2019). Ils pèsent sur la situation financière de l'entreprise, très déficitaire, qui s'est encore aggravée avec la crise publicitaire déclenchée par le Covid-19. Lorsqu'il a quitté Europe 1 il y a quelques semaines, le matinalier du week-end, Bernard Poirette, parti finalement sur Radio Classique, s'était exprimé sur cette réalité : «Ils m'ont dit qu'au vu de l'état financier du groupe Lagardère, ils n'avaient pas les moyens de me garder.»
Mais le problème n’est pas seulement économique. Europe 1 se cherche éditorialement depuis des années, enchaînant les relances et les changements de direction. Cet été, néanmoins, un peu de stabilité a prévalu. Le matinalier installé l’an dernier, Matthieu Belliard, a été confirmé pour la saison qui reprendra fin août. Il avait succédé à l’animateur Nikos Aliagas, qui avait lui-même remplacé Patrick Cohen. Ces deux derniers n’avaient pas tenu plus d’une année à ce poste très exposé. D’autres têtes d’affiche sont reconduites : Anne Roumanoff, Nicolas Canteloup, Christophe Hondelatte, Emilie Mazoyer, Olivier Delacroix.
Joker
Pour redresser la barre, la présidente d'Europe 1, Constance Benqué, une proche de Lagardère, a réussi à attirer de nouvelles têtes à l'antenne pour la rentrée 2020. Avec l'objectif de faire «monter en gamme les tranches d'info». La recrue principale s'appelle Julian Bugier. Le joker du journal télévisé de France 2 animera la tranche 18 h-20 h à la place de Nathalie Lévy. L'intéressé dit vouloir «créer un espace de liberté, qui laisse de la place à la nuance, à l'anticonformisme».
Relégué sur la grille du week-end après avoir perdu la matinale, Patrick Cohen, très en vue pendant le confinement pour ses prestations sur France 5, revient en grâce. Il récupère la tranche d'information de midi en semaine, avec un journal et un entretien. Pour le remplacer à la tête de C'est arrivé cette semaine et C'est arrivé demain le week-end, Europe 1 a décidé de faire confiance à Frédéric Taddeï. Europe 1 récupère aussi Stéphane Bern, qui a quitté RTL après dix ans de fidélité. Il coanimera chaque jour une émission présentée comme sérieuse et divertissante sur l'histoire avec l'humoriste Matthieu Noël entre 16 heures à 18 heures. Un créneau en concurrence frontale avec les Grosses Têtes de Laurent Ruquier.