La vague verte des municipales n’a pas été du goût de tout le monde. Devenue une force politique qui compte, EE-LV et ses membres ont été pris pour cibles, entre vieilles antiennes et nouvelles accusations.
«Notre écologie ne sera jamais une écologie qui s’oppose au progrès et à la science. Si on décroche sur la 5G, notre pays prendra un retard considérable.»
Stanislas Guerini, délégué général de LREM, le 10 juillet dans «le Figaro»
Hier les compteurs Linky, aujourd'hui la 5G. Des technologies discutées, voire remises en cause par les écologistes. Certains détracteurs y voient un côté antiprogrès et imaginent un retour à la chandelle sous un pouvoir vert. «Notre position, c'est un peu celle du philosophe Bernard Stiegler : on est critiques mais on sait qu'on a besoin de la science», résume l'un des porte-parole d'EE-LV, Alain Coulombel. A l'opposé de l'étiquette qu'on leur colle, les écologistes se voient du côté du progrès mais aussi du principe de précaution, dans une sorte de «en même temps» scientifique. Certains élus écolos aiment d'ailleurs bien rappeler leur passé industriel en gage de crédibilité : Eric Piolle (maire de Grenoble) et Emmanuel Denis (maire de Tours) ont été ingénieurs respectivement chez HP et STMicroelectronics. Sur le déploiement de la 5G, les mots d'ordre sont scepticisme et prudence : «Nous souhaitons justement nous appuyer sur des bases scientifiques et nous demandons un moratoire pour attendre les résultats de l'étude de l'Anses», défend une autre porte-parole d'EE-LV, Eva Sas, quand Emmanuel Denis va plus loin : «C'est aussi un choix de société. Est-ce qu'on a besoin de toujours plus de puissance et de données dans le téléphone pour être heureux ?» Dans l'émission le Grand Jury de RTL, Piolle avait eu cette saillie remarquée : «Est-ce que le progrès, c'est de voir des films pornos en HD ?» Et indiqué que le numérique émet aujourd'hui 4 % des gaz à effet de serre et que ce chiffre doit doubler d'ici cinq ans. Lui prône une politique volontariste pour en finir avec les «zones blanches» qui privent des territoires de l'accès à la révolution numérique.
«Le plaisir de vexer les habitudes du petit-bourgeois. Aujourd’hui, les terrasses chauffées. Demain, l’avion. Après-demain, sa volonté de fonder une famille.»
Ferghane Azihari, chargé d’études pour l’Institut de recherches économiques et fiscales, le 30 juillet dans «le Point»
EE-LV rassemblerait, selon le libéral Ferghane Azihari et d'autres opposants, les partisans d'une «écologie punitive», dont le seul but est d'interdire et de restreindre les libertés. Pire, ce seraient des décroissants. «Nous sommes post-croissants, répond Eva Sas. Nous prônons la transition écologique et la création d'emplois, la croissance est un sujet annexe qui répond à des indicateurs de richesse obsolètes.» Les écologistes affirment que des décisions politiques doivent être prises. «Elles peuvent apparaître contraignantes», reconnaît le porte-parole Alain Coulombel. Des mesures qui concernent des comportements aberrants à leurs yeux. «Chauffer l'extérieur en hiver ? Prendre l'avion quand on a une alternative en train ?» : Eva Sas n'y voit que du déraisonnable et rappelle qu'EE-LV préfère les alternatives aux interdictions. Et que la taxe n'est pas l'alpha et l'oméga de l'écologie politique ; elle sait aussi proposer des «bonus sur l'étiquette écologique des logements, par exemple, ou même une réduction de la TVA de certains produits respectueux de l'environnement».
«Ce livre, les ayatollahs de l’écologie s’en serviront pour allumer le barbecue où ils cuiront leurs steaks de soja.»
Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, dans la préface du livre «Un chasseur en campagne»
Habitué des sorties outrancières, le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti vient de récidiver, cette fois-ci dans la préface du livre écrit par le patron de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen. Il y traite les écologistes opposés à la pratique d'«ayatollahs», d'«intégristes» et d'«illuminés»… tout en revendiquant le droit à la nuance.
Dans la même veine, Gérard Collomb a tout fait pour mettre en garde contre la supposée tendance totalitaire des élus EE-LV. Lors des dernières élections municipales, l'ancien ministre de l'Intérieur dénonçait le «péril vert». On peut lui accorder une certaine constance, puisqu'il s'en prenait déjà en 2011 aux «Khmers verts». «Outre l'invective et l'injure, la référence historique est inacceptable», s'indigne Eva Sas, qui rappelle que les massacres commis par les Khmers rouges ont engendré plus de 1,7 million de morts au Cambodge.
En revanche, les écologistes assument revendiquer de vraies convictions qui ne peuvent plus s'accommoder d'une «politique des petits pas, comme disait Nicolas Hulot», affirme Emmanuel Denis. L'expression «Khmers verts», et sa subtile variante «khmaires verts», est en tout cas bien de retour dans le débat public. Par exemple dans la bouche de l'animateur de Canal + Yves Calvi, qui a qualifié ainsi les membres de la Convention citoyenne pour le climat.