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Procès Charlie

Michel Catalano : «Comment sont-ils arrivés jusque chez moi ? Pourquoi moi ?»

Attentats de «Charlie Hebdo» et de l’Hyper Cacher : un procès hors normedossier
Le 9 janvier 2015, ce gérant d’une imprimerie dans laquelle se sont retranchés les frères Kouachi avant d’être tués par le GIGN, a vu la mort en face. Malgré l’angoisse, il se bat pour «ne pas qu’on oublie».
Michel Catalano, le 27 août à Dammartin-en-Goële. (Photo Fred Kihn)
publié le 1er septembre 2020 à 19h46

Il a bien tenté de faire en sorte que «tout reprenne sa place comme avant». Mais très vite, il a compris qu'il ne serait «plus jamais le même homme». Qu'il n'aurait plus autant besoin des sensations fortes que lui procuraient le saut en parachute, à l'élastique ou encore le hockey. A 53 ans, Michel Catalano, gérant d'une imprimerie à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), a vu sa vie basculer le 9 janvier 2015 vers 8 h 35, lorsque Chérif et Saïd Kouachi ont débarqué à bord d'un véhicule volé dans sa petite entreprise familiale, située dans une zone industrielle reculée. Apercevant un fusil d'assaut, Michel Catalano, qui suit régulièrement les informations, comprend immédiatement à qui il a affaire, et envoie se cacher l'employé présent dans les locaux avec lui à ce moment-là. Lilian Lepère, alors âgé de 27 ans, passera plus de huit heures recroquevillé dans un placard sous un évier à l'étage, jusqu'à l'assaut du GIGN au cours duquel les frères Kouachi seront tués. Michel Catalano, lui, passera une heure et demie «confronté à la mort, à l'angoisse» aux côtés des deux terroristes, qui finiront par le laisser partir.

Papillons

Aujourd'hui, certaines questions continuent de le hanter, et il espère bien trouver des réponses lors du procès qui s'ouvre ce mercredi à Paris, le premier auquel il assistera de sa vie. «Comment sont-ils arrivés jusque chez moi ? Pourquoi moi ? Pourquoi ici ? Qui les a aidés ?» s'interroge-t-il, assis dans son bureau. «Ici, avant, c'était la salle de détente. L'évier où était caché Lilian était juste derrière vous», pointe-t-il du doigt. Car Michel Catalano a tenu à reconstruire son imprimerie, largement détruite lors de l'assaut du GIGN, exactement au même endroit. «C'était important pour moi de me relever là où je suis tombé», explique-t-il. Le nouveau bâtiment a été officiellement inauguré le 29 septembre 2016, en présence de François Hollande. Des photos, une plaque sur la façade, et un petit mot d'encouragement de l'ancien Président sur un mur couvert de papillons au rez-de-chaussée attestent encore de ce moment lourd de sens pour le chef d'entreprise, père de deux enfants. Des marches en bois remplacent l'ancien escalier métallique autrefois emprunté par les terroristes, dont le bruit a «longtemps hanté les nuits» de Michel Catalano : «Leurs pas lourds, le lance-roquettes qui heurtait les murs… C'était le signe que j'allais mourir», souffle-t-il. Des caméras de vidéosurveillance ont aussi fait leur apparition, sur lesquelles le quinquagénaire a les yeux perpétuellement rivés. «Syndrome d'hypervigilance», justifie-t-il, s'excusant de ne pas parvenir à regarder ses interlocuteurs dans les yeux.

Anxiété

«La boule au ventre» est encore là quand il arrive le matin, et l'anxiété continue de l'«aspirer» au moment du coucher. La haine et la colère, «stériles», l'ont en revanche très vite quitté. Evoquer son expérience lui fait du bien. Alors ces derniers jours, il a multiplié les prises de parole dans les médias, comme il le fait aussi dans les établissements scolaires ou lors d'interventions en prison, auprès de l'Association française des victimes du terrorisme qu'il a rejointe. Pour «ne pas qu'on oublie». «Ce procès, c'est une étape supplémentaire dans ma reconstruction», conclut Michel Catalano.