Son regard se perd dans la fumée qui s’échappe de la tasse de café posée devant lui. «Si on avait su ce qui se passait, on serait montés pour défendre la gamine», ressasse Emre (1). Assis à la table de sa cuisine, l’homme de 37 ans glisse la main dans sa poche, sort un paquet de cigarettes pour s’en griller une. Lui qui vit depuis son plus jeune âge dans le quartier des Clairs-Soleils, sur les hauteurs de Besançon (Doubs), rembobine le fil de sa mémoire pour raconter ce soir du 17 août, où une jeune Bosnienne musulmane de 17 ans a été frappée et tondue dans sa famille, au motif qu’elle souhaitait se marier à son copain, un Serbe de confession chrétienne de 20 ans. «On était posés entre potes, sous l’arbre du parking, derrière le bâtiment. C’est là qu’on a l’habitude de regarder les matchs de foot», précise Emre. Il se souvient de la quiétude de ce soir d’été brusquement interrompue par des hurlements qui s’échappent du cinquième étage. «Un sacré bruit», insiste le Bisontin, qui pense d’abord à une «bagarre entre adultes, comme si on tapait un gars». Il raconte l’arrivée de la police, puis d’une ambulance. Et cette image : «la petite» Slada évacuée de l’immeuble, la tête cachée sous une couverture.
Aux Clairs-Soleils, à Besançon, le 27 août.
Photo Abdesslam Mirdass. Hans Lucas pour Libération
Quinze jours après les faits, dans le bloc de sept étages où vivaient les deux familles issues des communautés roms de Bosnie e