C'est une silhouette longiligne, crâne rasé, veston marine et baskets. Seule sur un banc du vaste atrium blanchâtre du palais de justice de Paris, grouillant de la foule des grands jours. L'homme, l'air pensif, boit son café comme si chaque jour de l'année débutait ainsi, immuable. Cette ombre solitaire, que personne ne remarque derrière son masque, n'est autre que Laurent Léger. Le 7 janvier 2015, il participait à la conférence de rédaction hebdomadaire de Charlie Hebdo quand ont surgi dans les locaux, vers 11 h 30, les frères Chérif et Saïd Kouachi. En quelques minutes, ils exécutent douze personnes, dont un gardien de la paix dans leur fuite. Et en blessent plusieurs autres grièvement. Cinq ans plus tard, ce rescapé de l'horreur attend son avocat dans un calme détonnant singulièrement avec l'agitation ambiante. Autour de lui bataillent perches et micros des médias venus en masse, tandis que circulent de nombreux policiers armés. Mercredi matin s'est ouvert le procès très attendu des attaques terroristes de Charlie Hebdo, de Montrouge (Hauts-de-Seine) et de l'Hyper Cacher.
Moyens colossaux
«J'ai besoin de savoir si on va réussir à faire la lumière sur qui a commandité ce massacre barbare», confie Laurent Léger, d'un ton froid et monocorde. Journaliste familier des affaires judiciaires, il sait que, parfois, la justice ne lève pas tous les mystères des crimes qu'elle dissèque : «Je n'ai pas d'attentes… Mais je comprends qu'on en ait.» Précieux témoin de la