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Libération
Éditorial

Perplexité

publié le 6 septembre 2020 à 20h36

C’est le mauvais feuilleton de cette fin d’été : des dizaines de chevaux, poneys et autres équidés retrouvés, le plus souvent morts, atrocement mutilés. Yeux, oreilles, parties génitales… des lésions souvent importantes, des organes sectionnés, voire des traces d’empoisonnement. La multiplication des cas signalés depuis quelques mois laisse perplexes les enquêteurs. Leur dissémination relativement homogène sur l’ensemble du territoire français semble écarter la possibilité d’une coordination de grande ampleur. Les spécialistes tempèrent l’espoir de voir un jour les gendarmes serrer «l’homme qui lacérait les oreilles des chevaux». Plusieurs des membres mutilés pourraient l’avoir été par des prédateurs ou des charognards sur des bêtes déjà blessées, mourantes ou décédées. Au Royaume-Uni, une vague de cas du même type avait en grande partie été expliquée par des morts naturelles et des blessures auto-infligées. En France, pas de bête du Gévaudan ni de chien des Baskerville gourmand d’équidés, mais ce constat : dans un quart des cas au moins, les autorités pointent de manière quasi certaine les effets d’une action humaine. Farces ou paris macabres, satanistes et messes noires, opportunisme ou vengeance… les hypothèses ne manquent pas. Derrière le mystère et le risque d’emballement - pas uniquement médiatique - le sujet mobilise largement au-delà des écologistes ou des partisans de la cause animale. Dans une société où la sensibilité collective à la protection des animaux ou à leur bien-être s’est fortement développée, la violence gratuite des mutilations choque. La psychose gagne aussi des éleveurs ou propriétaires d’animaux, dont certains s’organisent pour mettre en place des rondes ou installer des caméras. Une peur de l’agression, l’insécurité version campagne, qui active aussi des ressorts très politiques. Passant, au galop, du mystère à la récupération.