Menu
Libération
Chronique «roues cool»

Le tricycle pour adultes, panacée des flipés de la pédale ?

Vélodossier
Traumatisée du vélo, on a testé (et approuvé) le trois-roues d'enfant version adulte, rouge et électrique.
Image d'illustration. (Photo Universal Images Group. Getty)
publié le 14 septembre 2020 à 10h42

Chaque lundi, retrouvez notre chronique «Roues cool», qui aborde le vélo comme moyen de déplacement, sans lion en peluche ni maillot à pois.

Le truc trône au milieu du jardin, flambant rouge comme une Ferrari, insolent même, un guidon façon Harley, un rétro, un panier derrière, et un cadran au milieu avec des tas de trucs électroniques. Un peu comme ton vélo d'appart, oui, sauf que là, le truc bouge, il coûte 2 800 boules, chez un spécialiste du Sud de la France, il est électrique et c'est un tricycle nommé Evasion, très rouge, un souvenir d'enfance devenu adulte. Et un cadeau dont on se mord bien la langue d'avoir dit comme ça, sans y penser : «Tu vois j'ai super peur à vélo depuis 50 ans [dernière et définitive chute à 4 ans], les gens sont fous sur la route, never en ville mais ici à la campagne [rappelons que l'autrice de ces lignes habite la campagne avec ses forêts, ses chemins vicinaux, ses pistes cyclables et le fameux domaine de plusieurs kilomètres carrés dont nous allons parler ci-dessous], tu vois, avec trois roues, j'aurais pas si peur, je pourrais peut-être me déplacer.»

Hurlements de bête traquée

Ma doué, qu’est-ce qu’on n’avait pas dit. Résultat, il faut monter sur le truc, l’air littéralement d’une grenouille sur une bicyclette, l’air détendu du chat dans la caisse, et se faire expliquer les boutons. A gauche, le machin d’assistance électrique, ça monte jusqu’à 7 de puissance, je rigole si je passe la 2 déjà. A droite les vitesses, c’est comme une voiture, explique le mari-formateur, plus que tu montes, moins que tu pédales. OK et la chose, là ? Ben c’est le clignotant, et ça, c’est les phares. Seigneur, il manque plus que l’autoradio avec Johnny à donf.

Photo DR

Reste qu'il faut aller l'essayer: on choisit une piste cyclable en forêt goudronnée, rejointe en voiture (le tricycle se démonte en quinze minutes) et c'est l'horreur, des hurlements de bête traquée, des glapissements d'enfant de 5 ans, «je vaiiiiiiis tombeeeeeer, t'eeeeeees débiiiiiiiile de m'avoir acheté un truc pareil sans que je l'essaiiiie avant», etc., etc. Au bout de trente minutes, la tricycliste, par ailleurs relativement handicapée du squelette, finit par comprendre que non, elle ne va pas tomber et non, ça fait pas mal aux osselets curieusement, sauf aux épaules parce que le guidon de la Harley est assez lourd, relativement à des vélos normaux, paraît-il.

Pouces levés et saluts à la Sissi

Le lendemain, on se lance dans le domaine des riches aux villas Beverly sis près de Chantilly, formidable piste de jeu goudronnée avec route large, on prend de l'assurance, on arrive à tourner sans hurler, le tout à une vitesse très raisonnable de 6 km/h. Puis on s'enhardit, cheveuzovent à 10 km/h, avec assistance électrique niveau 3 et vitesse à droite 3 aussi, c'est confort, on redresse la tête, on salue la foule (succincte) limite Sissi, les gens regardent passer l'attelage avec indulgence et compassion : mon Dieu, c'est pas de l'admiration pour mon tricycle, ils prennent ça pour un ustensile d'handicapé à plusieurs roues. De fait, ça y ressemble. Qu'à cela ne tienne, j'ai la handicarte, je colle une photocopie sur le dossier de mon fauteuil pour que ça soit bien clair et ça fuse les «sympa votre truc», les pouces levés avec un peu de commisération, les sourires attendris, les regards curieux. Capital sympathie énorme, et les voitures freinent doucement, sans l'agressivité qu'on peut sentir avec un vrai vélo (paraît-il), ça fait enfant sans défense surement?

Résultat, on roule deux heures par jour, sans peur, la tête haute, comme beaucoup de vieux en Allemagne ou aux Pays-Bas : un moyen écolo-génial de se déplacer en se musclant et sans buter trop d’ours polaires. Inconvénient : gros gros mal au derche, il faut adapter la selle avec du gel ou du molleton. Allez j’y vais, je vise les 15 km/h aujourd’hui. Mais pas encore en ville.

Evasion en 8 couleurs. 7 vitesses, existe en deux tailles. Tous les renseignements .