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Licenciements : chez Nokia, après des bons résultats, un plan «suicidaire»

Le géant finlandais a vu ses bénéfices trimestriels grimper… et va supprimer plus de 1 200 postes en France.
Manifestation devant le site Nokia de Nozay (Essonne), le 10 septembre. (MARTIN BUREAU/Photo Martin Bureau. AFP)
publié le 20 septembre 2020 à 19h46
(mis à jour le 20 septembre 2020 à 19h46)

Dans la foulée du déconfinement, l’équipementier télécom finlandais Nokia a été un des tout premiers à mettre en œuvre, en juin, un plan social de grande ampleur. Une coupe portant sur 1 233 postes, soit un tiers des effectifs de sa filiale Alcatel-Lucent, qui ne doit pourtant rien à la crise économique déclenchée par le Covid-19.

«Absurde». Justifié par un souci de «rationalisation de ses activités en France dans le cadre d'un programme mondial» visant à améliorer sa compétitivité, il concerne 831 postes à Nozay (Essonne), travaillant surtout dans la 5G, et 402 autres opérant dans la cybersécurité à Lannion (Côtes-d'Armor). Une annonce d'autant plus mal vécue que le géant finlandais, sans être au mieux de sa forme, est redevenu rentable l'an dernier et a annoncé en juillet des bénéfices trimestriels en forte hausse, supérieurs aux prévisions. «C'est le pire de ce qu'on peut rencontrer aujourd'hui dans le monde industriel», avait réagi sur un ton inhabituel le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, à l'annonce du plan.

Selon les syndicats, sa mise en application condamnerait le site de Lannion (où presque 50 % des emplois seraient supprimés) et aboutirait à la disparition de Nokia du paysage industriel français. Il concerne à 83 % des emplois de chercheurs dans la recherche et développement (R  & D), et 700 ingénieurs embauchés en 2019, dont de nombreux jeunes, sont visés. «C'est absurde et suicidaire, cela va faire les affaires de la concurrence, Ericsson en tête, qui à l'inverse de Nokia et tout comme Huawei ouvre des sites et recrute en France», estime un élu du personnel. D'après la CGE-CGC, Nokia a bénéficié de 280 millions d'euros d'aides entre 2016 et 2019 grâce au CICE, et surtout au crédit d'impôt recherche.

La direction se défend comme elle peut, arguant que l'arrivée de la 5G ne s'est pas traduite par un surcroît d'activité - «le marché est plat», a déclaré à Capital Thierry Boisnon, président de Nokia France - et que la France restera un «pôle de R  & D déterminant». Nokia paie ses mauvais choix technologiques, qui lui ont fait perdre des parts de marché au profit d'Ericsson et Huawei. Mais son retard n'est pas irrattrapable, estiment les analystes. Free lui a confié toute sa 5G. Et l'équipementier, qui devrait comme Ericsson bénéficier de la mise à l'écart du chinois Huawei en Europe, a signé 74 contrats 5G dans le monde, contre 97 pour le suédois.

CSE mardi. Trois mois après l'annonce, ce quatrième plan social de Nokia en France depuis son rachat d'Alcatel-Lucent il y a cinq ans n'a pas bougé d'un iota, malgré une forte mobilisation des syndicats et des élus locaux. Tenus à l'écart des discussions entre Bercy et le nouveau patron, Pekka Lundmark, ils espèrent de nouvelles propositions lors d'un comité social et économique prévu mardi. L'heure tourne : la procédure entamée au début de l'été doit finir fin novembre.