La douche à l’italienne, celle qui se trouve au niveau du sol, élégante cabine vitrée dans laquelle on pénètre d’un pas tranquille, est le lot de consolation que le gouvernement a offert aux associations de défense des personnes handicapées après la loi Elan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique). Voté en 2018, ce texte supprimait l’obligation systématique d’accessibilité en fauteuil pour tous les logements neufs, la limitant à 10% d’entre eux. Les autres logements devaient seulement être évolutifs.
La question de la salle de bains avait été laissée de côté. Elle a été réglée lors d'un comité interministériel du handicap le 3 décembre 2019. Là, virage gouvernemental sur l'aile, la douche à «zéro ressaut» et à accessibilité totale devient obligatoire dans les logements neufs. Le décret d'application, paru le 11 septembre, précise le calendrier : au 1er janvier 2021 pour les appartements en rez-de-chaussée et les maisons ; au 1er juillet 2021 pour les logements accessibles par ascenseur.
L'annonce de cette obligation l'an dernier a immédiatement provoqué les protestations des plombiers. L'installation d'une douche à l'italienne est toujours la promesse d'une facture plus conséquente que la simple pose d'un bac, mais elle est aussi la certitude d'ennuis en pagaille. Il faut couler une chape, calculer la bonne pente d'écoulement, poser un film d'étanchéité et un siphon de sol. Une affaire de maçon calé et de plombier doué.
«Porteuses de sinistralité»
Apparemment, la profession elle-même a des doutes sur ses capacités. La parution du décret les renforce. Directeur général de l'Agence qualité construction, Philippe Estingoy est consterné. «Il faudrait attendre six ou sept ans avant de généraliser la douche à l'italienne», a-t-il tonné mercredi dans les colonnes du Moniteur. Pourquoi ce délai ? «Le temps d'observer les bâtiments.» Quoique, pour ce spécialiste des problèmes de construction qui publie chaque année un palmarès des malfaçons, ce soit tout observé : «Les douches sans ressaut sont porteuses de sinistralité par leur conception même.» Le spécialiste pointe l'augmentation «de la part des sinistres liés aux équipements sanitaires entre 2017 et 2019», forcément liée selon lui à la croissance des douches à l'italienne.
Derrière ce problème de tuyauterie se cache un débat bien plus fondamental. Quand les normes d’accessibilité ont été rendues obligatoires dans l’ensemble des logements neufs en 2015, les salles de bain et les couloirs ont gagné des mètres carrés sur les chambres et les salons. Dans un monde idéal, on aurait tout agrandi. Dans le nôtre, la norme handicapés a encore renforcé les calculs purement économiques qui ont réduit la taille moyenne des logements depuis trente ans. Que ce soit pour les personnes handicapées ou pour les autres, on est loin du sur-mesure.