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Libération
Récit

Strasbourg entre confiance et vigilance

Epargnée par les nouvelles mesures, la métropole alsacienne se sait sur le fil. La préfecture salue une «mobilisation» générale.
A Strasbourg, le 2 juin. (Photo Nicolas Roses. ABACA)
publié le 24 septembre 2020 à 20h36

Strasbourg serre les fesses. La métropole alsacienne est en alerte. Mais à la différence des autres, en alerte tout court. Dans le code couleur déroulé par Olivier Véran, c'est rouge clair - on pourra encore trinquer jusqu'au bout de la nuit dans les bars, assis en petites tablées, sans danser ni s'embrasser, bien sûr. Attention, a prévenu le ministre de la Santé, cela peut basculer dans le rouge foncé à tout instant. Ce n'est d'ailleurs pas passé loin, à quelques dizaines de points du «taux d'incidence» de 150 contaminations pour 100 000 habitants, seuil de l'«alerte renforcée». Jeudi matin sur France Bleu, Laure Pain, responsable de la cellule Covid à l'ARS du Bas-Rhin, enfonce le clou : «On a dépassé les 100 la semaine dernière, on est proche, à la croisée des chemins. […] Strasbourg est sous la loupe du ministère.» Elle précise que le rebond épidémique de début septembre, lié à la rentrée universitaire, a été «contenu» et qu'aujourd'hui, ce sont les sauteries privées qui posent problème.

Pédagogie

Strasbourg s'en sort sans nouvelles restrictions, mais en réalité, la préfète, Josiane Chevalier, avait devancé le ministre. La veille, elle rencontrait les partenaires et prenait un nouvel arrêté, fournissant une liste détaillée des coins de l'Eurométropole où il est interdit d'être à plus de dix sur l'espace public après 21 heures. Elle annonçait l'instauration d'un «contrat de confiance» avec les bars et restaurants. Tout le secteur est solidaire : on vante l'écoute et le dialogue ininterrompu depuis mars. L'Union des métiers de l'hôtellerie (Umih) se sent «entendue». Et la préfecture indique à Libération que «les consignes sont globalement respectées», saluant une «mobilisation de tous les partenaires institutionnels», entre prévention, pédagogie et contrôles. Les dérapages constatés restent «anecdotiques», observe Christophe Weber, directeur de l'Umih du Bas-Rhin, qui s'apprête à envoyer une piqûre de rappel aux adhérents.

Côté ville, à défaut d'être «entendu» par la préfète, on se dit «informé». «On est loin de la coconstruction mais les choses sont apaisées», assure Alexandre Feltz, adjoint à la santé. Depuis que le port du masque est obligatoire partout, la nouvelle équipe écolo a demandé plusieurs fois des assouplissements, comme de faire des parcs des aires de respiration à visage découvert. La préfète a dit non. «L'important, c'est la tension hospitalière, recentre l'élu, par ailleurs médecin. Fin mars, on avait 200 malades en réanimation à Strasbourg et 600 hospitalisés, aujourd'hui, 10 en réa, 25 hospitalisés. Il ne s'agit pas de minimiser mais de relativiser, trouver l'équilibre entre coercition et prévention.»

«Germains»

En la matière, la ville a été «proactive», rappelle-t-il. Les soirs d'été, difficile de louper les équipes mobiles en gilet fluo à la rencontre des fêtards, opérations gestes barrières et dépistages. Et les affiches répétant les consignes. Le message, martelé, passe. D'autant que l'Alsacien est bon élève. «On est plus germains que latins», estime Jérôme Fricker, patron de plusieurs restaurants dans le centre-ville : «Strasbourg a été particulièrement touché, on connaît tous un proche qui a été malade ou qui est décédé. Les habitants ont conscience du risque, ils sont responsables.» Puis il repense à «ces derniers jours» et avoue s'être «un peu relâché», à s'accouder au comptoir pour discuter. «Je ne le ferai plus, il faut se reprendre», dit-il fermement. Ce soir, c'est apéro sur le qui-vive.