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Covid-19 : coup de boutoir au comptoir

La fermeture des bars et les restrictions imposées aux restaurants à partir de ce mardi sont un nouveau coup dur pour un secteur qui ne s’est pas encore relevé des pertes subies depuis le début du confinement. Selon le syndicat majoritaire, 30 % de la profession pourrait ne pas survivre à la crise.
Vendredi au Procope, dans le VIe arrondissement de Paris. (Photo Denis Allard)
publié le 5 octobre 2020 à 20h41

L'addition était attendue, elle n'en est pas moins extrêmement rude pour le secteur de la restauration, déjà durement éprouvé par la crise sanitaire. Entre maigre soulagement - pour le maintien de l'ouverture des restaurants - et «grande tristesse» pour une fermeture des bars annonciatrice d'une «catastrophe économique», comme le dit un représentant des cafetiers, c'est toute une profession qui se retrouve à nouveau plongée dans l'inconnu. A elles seules, la capitale et la petite ceinture représentent environ 10 % des bars et restaurants de l'Hexagone.

«Il y a un peu de tout ça, c'est un sentiment mitigé, réagit Hubert Jan, restaurateur dans le Finistère et président de la branche restauration de l'Umih, le principal syndicat de la profession. Par rapport à Marseille la semaine dernière, ils ont mis les formes et les professionnels ont été consultés sur la mise en place du nouveau protocole. Mais on dira ce que l'on veut, on reste une profession stigmatisée, souligne ce patron de bistrot installé à Fouesnant. Dès lors que les protocoles sont respectés et que l'Etat a tous les moyens juridiques à sa disposition pour qu'ils le soient, je ne vois pas au nom de quoi les mêmes règles ne s'appliqueraient pas aux bars. La situation est d'autant plus critique que ces nouvelles fermetures viennent frapper la région qui a le plus souffert de l'absence de fréquentation depuis le déconfinement.» Faute de chiffres sur les défaillances d'entreprises dans un secteur qui compte environ 220 000 établissements, le bistrotier en est réduit aux pronostics : «J'avais dit que 15 % ne survivraient pas à la crise, avec la deuxième vague, je pense qu'on sera plus proche de 30 %.»

Sous perfusion

Mise sous cloche avec les mesures d’aide gouvernementale (chômage partiel prolongé jusqu’au 31 décembre, fonds de solidarité de 1 500 euros porté jusqu’à 10 000 euros pour une perte de chiffre d’affaires supérieure à 80 %) que la maire de Paris Anne Hidalgo et la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse promettent d’accompagner, l’hôtellerie-restauration vit depuis des mois sous perfusion. Une situation qui rend difficile à ce stade toute évaluation précise des dégâts.

Tout en haut de la liste des activités les plus touchées par la crise sanitaire, on sait cependant que la branche a eu massivement recours aux dispositifs de soutien, comme le confirme le dernier pointage de la Dares, le service statistique du ministère du Travail. 85 000 entreprises du secteur (sur 575 000 au total), pour l’écrasante majorité des TPE de moins de dix salariés, ont eu à ce jour recours au prêt garanti par l’Etat pour un total de 7,9 milliards d’euros (sur 120 milliards distribués). Et 420 000 salariés ont continué à bénéficier du régime d’activité partielle en juin (sur un total de 2,4 millions de bénéficiaires). En août, alors même que l’activité avait largement repris dans les zones balnéaires et touristiques - mais pas à Paris, plombé par l’absence de touristes étrangers -, ils étaient encore 250 000 sous ce régime, soit 23 % des salariés de l’hôtellerie-restauration. L’Insee, pour sa part, met en avant une perte de 144 000 emplois au premier trimestre dans le secteur, en attendant, ce mardi, la publication de premières projections sur l’ensemble de l’année à l’occasion d’un point de conjoncture.

«Pour un bistrotier, les frais de personnel et d'achats de marchandises représentent environ 70 % des charges, résume Hubert Jan. Ces frais sont réduits à zéro en cas de fermeture grâce au chômage partiel, et ce ne sont pas eux qui vont tuer. Non, le point qui va être fatal, ce sont les loyers qu'il faudra bien payer un jour, même s'ils sont reportés. Les assureurs nous prennent pour des jambons, poursuit-il, et l'Etat aurait dû leur tordre le bras.»

Si les procès de restaurateurs contre les assureurs se multiplient en raison du refus de ces derniers d’indemniser leurs pertes d’exploitation durant le confinement, aucune jurisprudence ne s’est encore dégagée en leur faveur. Malgré quelques succès rencontrés contre l’assureur Axa, récemment condamné à indemniser cinq restaurateurs, la Fédération française de l’assurance fait valoir qu’il serait impossible de généraliser une telle mesure qui menacerait d’effondrement tout le système. Selon les estimations, un dédommagement de l’ensemble des restaurateurs pour leur fermeture administrative durant le confinement s’élèverait à au moins 20 milliards d’euros.

«On n’a pas le choix»

Au Buron, une brasserie du XVe arrondissement parisien, on essaie de prendre la nouvelle mesure avec philosophie. «Depuis la fin du confinement, l'activité a été réduite de 50 % par rapport à une période normale, et on peut considérer que l'activité de cafetier-limonadier représente environ 50 % du chiffre, je vous laisse faire les calculs, témoigne le patron. On va s'adapter, on n'a pas le choix, mais cela va être terrible pour les établissements qui ne proposent pas de restauration avec une vraie cuisine. Ils risquent de ne pas s'en remettre.» D'après l'Umih, ils sont ainsi plus de 5 000 en Ile-de-France à devoir, et au moins pour quinze jours, baisser le rideau.