Avant même qu'on en connaisse l'issue, l'abordage de Suez par Veolia était déjà une mauvaise nouvelle pour les consommateurs. A trois (Veolia, Suez et la petite Saur), les délégataires privés ont fait grimper les factures d'eau dans la grande majorité des villes qu'ils servent. Comment les tarifs baisseraient-ils si les élus n'ont quasiment plus face à eux qu'un seul géant avec Veolia ? Antoine Frérot, son PDG, s'est certes engagé à céder la partie «eau» de Suez au fonds d'investissement Meridiam. «Mais je n'ai jamais vu un acteur industriel organiser face à lui un concurrent fort et sérieux», ironise Sébastien Martin, président du Grand Chalon et administrateur de l'ADCF, l'association des intercommunalités. Les élus vont se retrouver face à une concurrence en forme de pâté d'alouette : un cheval de Veolia et une alouette de Meridiam, et ceux qui ont signé avec Suez auront un problème supplémentaire que Jean-Luc Touly, ex-syndicaliste licencié par Veolia et aujourd'hui conseiller municipal chargé de l'eau et de l'assainissement à Wissous (Essonne), formule ainsi : «J'ai un contrat de douze ans, et maintenant, mon interlocuteur, c'est Meridiam, que je ne connais pas et qui n'y connaît rien.»
Du coup, «si l'on n'a pas une vraie concurrence avec des acteurs solides capables de rivaliser entre eux, alors c'est la régie publique, dit Sébastien Martin. Certaines communes vont devoir repartir à zéro. Je crains beaucoup pour les petites collectivités»<