A la mi-septembre, plus de 70 collectivités en France avaient sorti le pinceau et la peinture jaune pour tracer des pistes cyclables élargies afin de faire face à la baisse d'offre comme de fréquentation des transports collectifs en temps de pandémie. L'urgence a fonctionné comme une révélation : désormais, 80 % d'entre elles «envisagent de pérenniser au moins une partie des aménagements de transition».
L’essayer, c’est l’adopter
Ce constat figure dans le deuxième volet de l'étude que le Club des villes cyclables a lancée dès la fin du confinement à la demande du ministère de la Transition écologique. L'idée était de «recueillir et stimuler toutes les initiatives des collectivités pour la mise en place d'aménagements cyclables de transition», dont ces voies élargies tracées en une nuit, vite baptisées «Coronapistes». 58 communes et 38 intercommunalités ont répondu.
Ce que montre l'étude, c'est que «l'urbanisme tactique», cette façon d'essayer, de tester et éventuellement de corriger un dispositif, est plébiscité. Parmi les 105 collectivités ayant répondu à l'étude, neuf sur dix estiment qu'il a permis «de préfigurer un aménagement afin d'en affiner sa conception avant de passer à sa réalisation définitive». Mieux, il a aidé à convaincre les hésitants et à surmonter certains blocages politiques. L'essayer, c'est l'adopter.
Avec le Covid, serait-on en train de dépasser l'époque des pionniers de l'urbanisme tactique ? «Si quelques collectivités pratiquaient déjà l'expérimentation en matière d'aménagement avant la crise sanitaire, elles sont nombreuses à déclarer avoir eu recours à cette méthode pour la première fois», écrit le Club des villes cyclables. Avoir mis des «projets en place dans un délai aussi court» s'est aussi accompagné «d'une certaine fierté».
Sur 105 collectivités qui avaient le projet de réaliser de tels équipements au début de l’épidémie, 14 % les avaient déjà terminés dès le mois de juin. En septembre, ce chiffre a atteint 35 %. Un gros tiers des villes qui avaient annoncé qu’elles proposeraient des pistes cyclables l’ont donc fait en moins de six mois. En outre, dans 32 % d’autres villes, les aménagements étaient en cours de déploiement en septembre.
Toutefois, l’urbanisme tactique a beau être transitoire, il est réfléchi. Ainsi les collectivités qui ont déployé des équipements ont-elles voulu mesurer leur usage. 58 % des répondants se sont offerts des comptages automatiques. Beaucoup ont mesuré l’effet des pistes sur les vitesses de circulation des voitures et des bus.
«Défaut d’acceptabilité»
Manifestement, l'épidémie a créé chez les élus beaucoup de convertis au développement express du vélo. Mais pas chez tous. Dans cette étude, 8 % des répondants disent avoir abandonné l'idée de créer en urgence des pistes temporaires. «Le motif le plus souvent mentionné est un défaut d'acceptabilité, qu'il s'agisse d'une réaction des automobilistes ou des riverains ou une crainte de cette réaction par les élus.»
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Ce n’est pas qu’un manque de volonté politique qui se joue dans ces abandons : des élus peuvent se demander en toute bonne foi s’il est très raisonnable de dépenser de l’argent pour un dispositif que l’on démontera peut-être ensuite et que l’on modifiera de toute façon. Enfin, dans les intercommunalités, c’est l’accord entre les communes qui peut se révéler un frein au déploiement des coronapistes.
De plus, même chez les convaincus, il y a parfois eu des révisions de plan : parmi les collectivités ayant mis en place un dispositif, une sur cinq a supprimé une portion de piste et, dans plus de trois quarts des cas, parce qu’elle gênait le trafic automobile.
Comme on pouvait s’y attendre, ces innovations ont plutôt eu lieu en milieu urbain. L’aménagement transitoire est rarement perçu comme une possibilité dans le rural. Encore moins comme une nécessité. Les budgets et les ressources humaines ne sont pas là, les problèmes de promiscuité non plus.