Avant de refermer les portes sur le monde extérieur et de se replonger dans l'examen des faits, la cour d'assises spécialement composée de Paris a tenu, ce lundi matin par la voix de son président, Régis de Jorna, à dire «son émotion à la suite de l'assassinat d'un enseignant mort du seul fait d'avoir transmis à ses élèves ce que représentaient la liberté de penser et la liberté d'expression».
L'attaque de vendredi, visant Samuel Paty – tué pour avoir montré des caricatures du prophète Mahomet à sa classe de 4e au collège de Conflans-Saint-Honorine – est la seconde à glacer cette salle d'audience. Trois semaines plus tôt, un homme a gravement blessé deux personnes à l'arme blanche dans le XIe arrondissement de Paris, devant la fresque représentant les victimes de Charlie Hebdo où se trouvent les anciens locaux du journal. Dans une ambiance lourde, Me Jean Chevais, avocat de la défense, s'est levé : «Je voudrais aussi, en mon nom, faire une déclaration. Que l'on soit magistrat ou avocat, nous portons la même robe, symbole de liberté d'expression et d'expression de la liberté. Nous sommes tous concernés.» Suivi par Me Samia Maktouf, sur le banc des parties civiles, qui s'est associée à «la défense de la liberté d'expression et de la liberté de penser».
De son côté, le conseil de Charlie Hebdo, Me Richard Malka, a souhaité rappeler l'histoire des caricatures montrées par Samuel Paty à ses élèves, car c'est «la meilleure façon de lui rendre hommage». Elles sont liées à la diffusion d'un «navet» aux Etats-Unis, en 2012, «sur la vie de Mahomet», qui a provoqué «une manifestation» et «30 morts», a-t-il expliqué. C'est ainsi qu'est née la une du journal satirique, «pour montrer l'aberration de ces morts suite à un simple film». Au dos de ce numéro, la bande avait croqué les fameuses caricatures, dont celle du prophète dénudé. «Cette fois, ce n'est pas ceux qui ont dessiné qui sont morts mais ceux qui les ont montrées», a achevé l'avocat.
Après quelques minutes en suspens, la cour d'assises est redevenue cette bulle imperméable aux intempéries du reste du monde, jugeant onze accusés devant répondre, à divers degrés, de soutien logistique aux auteurs des attentats de janvier 2015. Elle a replongé dans la vie et les actes de Metin K., gérant de garage en Belgique et figure du «milieu interlope Carolo».