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Interview

Stéphanie Hennette-Vauchez : «Prendre ses distances avec le droit dans de graves crises est périlleux»

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Pour la directrice du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux, Stéphanie Hennette-Vauchez, l’annonce par Gérald Darmanin de dissolution d’associations interroge car cela nécessite des conditions bien particulières.
A Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) samedi, au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty. (Photo Stéphane Lagoutte. Myop)
publié le 19 octobre 2020 à 20h56

Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public à l’université Paris Nanterre et directrice du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux, explique que le droit actuel dispose déjà d’une panoplie de textes pour lutter contre l’islamisme radical.

Le ministre de l’Intérieur a dit, lundi sur Europe 1, vouloir dissoudre des associations, dont le Collectif contre l’islamophobie en France. Sur quelles bases légales peut-il s’appuyer ?

Il existe dans le code de la sécurité intérieure une procédure contre les groupes de combat et les milices privées qui remonte à 1936, introduite après les manifestations des ligues d’extrême droite du 6 février 1934. Elle permet au gouvernement, par décret en Conseil des ministres, de prononcer la dissolution administrative d’associations coupables d’appel à la discrimination, à la haine et à la violence. Elle a été utilisée ces derniers temps pour des groupuscules de droite radicale ou, déjà, des associations intégristes musulmanes (sous l’état d’urgence 2015-2017 notamment). Les conditions fixées par la loi sont précises car la liberté d’association est garantie par la Constitution. C’est une forme de liberté d’expression essentielle à la démocratie, qui protège les idées, y compris celles qui choquent ou inquiètent.

Il faut donc des preuves concrètes, des faits objectifs pour dissoudre ?

Le gouvernement doit apporter des preuves du lien entre l’association et les appels à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion. Le juge administratif pourra évidemment contrôler le bien-fondé d’une telle dissolution.

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