Il y a quelques semaines, l'Insee prévenait que l'évolution de la conjoncture dans les prochains mois serait étroitement corrélée à celle de la pandémie de coronavirus. «En cas de nouveau durcissement, on peut s'attendre à un recul du PIB au quatrième trimestre et inversement, si la situation sanitaire se stabilisait, l'évolution pourrait être positive en fin d'année», résumait alors l'office statistique. Avec une deuxième vague qui s'amplifie de jour en jour et le couvre-feu mis en place pour tenter de la limiter, c'est le premier scénario, noir, qui se dessine. Vendredi matin, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a acté qu'après le fort rebond observé au troisième trimestre, la croissance devrait replonger en fin d'année. «Au quatrième trimestre nous aurons probablement un chiffre de croissance négatif», a-t-il reconnu, en ajoutant que ce n'était pas «une surprise». Manière de dire que Bercy l'avait anticipé dans ses prévisions.
Pour autant, Bruno Le Maire se dit toujours optimiste sur la capacité de rebond de la France, estimant que la reprise finalement avortée de cet été aura montré que «l'économie a du ressort. Je vous dis qu'il y aura un fort rebond de l'économie française en 2021 et que nous pourrons retrouver en 2022 notre chiffre de développement économique de 2019», a-t-il déclaré, en bon adepte du Docteur Coué.
L’horizon de la reprise s’éloigne
Tout le calcul du gouvernement était qu’avec le plan de relance de 100 milliards d’euros – dont le déploiement risque d’être freiné par la reprise de l’épidémie – et une sortie de la crise sanitaire à partir de 2021, la France puisse repartir sur le sentier de la croissance l’an prochain et revenir à son niveau d’avant-crise à la fin de 2022. Le gouvernement, qui avait anticipé comme l’Insee une croissance nulle, voire très légèrement négative, au quatrième trimestre, pouvait encore croire à ce scénario tant que la deuxième vague restait modérée et maîtrisée. Mais si le quatrième trimestre dérape comme vient de le confirmer le gouvernement, il risque d’être fortement remis en cause, reportant à beaucoup plus tard une reprise dont l’horizon a disparu.
Bruno Le Maire est également revenu sur le coût du couvre-feu qui sera étendu à 38 nouveaux départements à partir de ce vendredi soir et qui va venir s'ajouter aux près de 500 milliards d'euros déjà engagés par l'exécutif pour mettre l'économie sous cloche. «Si on prend les 54 départements, pour six semaines nous avons un coût global d'un peu plus de 2 milliards d'euros», a-t-il indiqué en cherchant à rassurer sur la poursuite, au moins jusqu'à la fin de l'année, de dispositifs d'aides qui viennent d'être amplifiés pour les secteurs les plus sinistrés comme l'hôtellerie-restauration et la culture.
«Il n'y a pas d'inquiétude à avoir, nous avions prévu 9 milliards d'euros sur le fonds de solidarité, nous n'en avons dépensé que 6, donc nous pouvons tenir jusqu'à la fin de l'année avec les sommes que nous avions prévues, a-t-il expliqué. Si, au-delà, les mesures devaient se prolonger, nous rechargerions les dispositifs.» De quoi creuser encore un peu plus le déficit public, déjà attendu à 10,6% du PIB fin 2021, et la dette, qui devrait atteindre 116% à la fin de l'an prochain. Jeudi, le ministre délégué aux Comptes publics, Olivier Dussopt, avait chiffré les nouvelles mesures «entre 1,3 et 1,5 milliard d'euros par mois. C'est beaucoup d'argent, mais nous répondons présent», avait-il défendu.
Contraction depuis septembre
«Les entreprises privées françaises n'ont maintenant plus qu'à espérer que les dernières mesures imposées par le gouvernement parviendront à freiner la progression du virus», analyse Eliot Kerr, économiste au sein de l'institut IHS Markit, cité par l'AFP, dont le dernier baromètre montre que l'activité du secteur privé a commencé à se contracter dès septembre. Une dégradation confirmée par l'Insee qui fait état d'une dégradation du climat des affaires en octobre dans son enquête mensuelle auprès des chefs d'entreprise.
Dans ce contexte, ce n'est pas la prise de parole du Premier ministre, Jean Castex jeudi soir qui va redonner confiance aux acteurs économiques. «Le mois de novembre sera éprouvant», a-t-il prévenu, avertissant que si l'épidémie n'était pas jugulée, le gouvernement devrait «envisager des mesures beaucoup plus dures». Autrement dit et sans prononcer le mot, un reconfinement à l'impact économique et social encore bien plus dévastateur. De quoi ruiner alors définitivement les espoirs de rebond en 2021 encore entretenus ce vendredi par Bercy.