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Libération
En ce jour de 1962

C'était un 28 octobre : un référendum et le suffrage universel devint la règle

L’histoire se télescope avec le présent, souvent en empruntant des chemins buissonniers pour mieux se rappeler à notre bon souvenir. «Libé» explore dans cette chronique la concordance des temps.
Dans un bureau de vote à Paris, le 28 octobre 1962. (KEYSTONE-FRANCE/Photo Gamma-Rapho)
publié le 28 octobre 2020 à 9h35

A plus d’un an et demi de la prochaine présidentielle en mai prochain, les partis politiques commencent déjà à se mettre en quête d’un champion potentiel, apte à conquérir l’Elysée. Une élection qui s’est imposée dans la vie politique française, depuis près de soixante ans, le 28 octobre 1962, et qui lui impose son rythme.

Ce jour-là, par la voie du référendum, les Français sont appelés à se prononcer sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Plus de 62% des électeurs approuvent le projet du général de Gaulle. L’ensemble des partis, de la gauche aux démocentristes de l’époque, réunis en un «cartel» informel, selon De Gaulle, mènent campagne contre mais sans succès.

«Pierre angulaire»

Auparavant le locataire de l'Elysée dont le rôle sous la IVe se bornait à inaugurer les chrysanthèmes, était élu par un collège de grands électeurs. La constitution de la Ve République adoptée en 1958 ne revient pas sur ce mode de désignation. Même si pourtant le futur chef de l'Etat en a nourri l'idée dès son discours de Bayeux prononcé en 1946. «Dès lors que je demandais au pays d'arracher l'Etat à la discrétion des partis en décidant que le Président, et non plus le Parlement, serait la source du pouvoir et de la politique, mieux valait prendre quelque délai avant d'achever cette immense mutation», écrit-il dans le tome II de ses Mémoires d'espoir. Il craignait également de raviver dans la mémoire collective française les souvenirs des plébiscites qui auront marqué le règne de Napoléon III et le Second Empire. De Gaulle avait donc repoussé cette réforme qu'il concevait comme la «pierre angulaire» de la Constitution de 1958.

A l’été 1962, un fait va précipiter les choses et décider De Gaulle à parachever son œuvre constitutionnelle. C’est à Charlotte Corday, celle qui tua Marat dans son bain que les Français doivent le pouvoir de voter pour leur futur président. Explications.

En proie au doute

Le 22 Août 1962, la voiture qui conduit De Gaulle, sa femme et son gendre, le général Alain de Boissieu, à l'aéroport de Villacoublay, tombe dans une embuscade montée par l'OAS. Nom de code de l'opération : «Charlotte Corday». Pour les chefs du commando, il s'agit bien de perpétrer un «assassinat politique». La voiture essuie alors un tir nourri d'armes automatiques sans qu'aucun des passagers ne soit blessé. «L'occasion d'en découdre et l'avertissement qu'il n'y a peut-être pas de temps à perdre me sont apportés soudain, le 22 août par l'attentat du petit Clamart… La question de savoir ce qu'il adviendra de l'Etat si De Gaulle disparaît soudain se pose de manière pressante. A moi-même il est démontré que l'échéance pourrait survenir à tout instant», explique-t-il toujours dans ses Mémoires. Pour lui, il s'agit que «par la voie du suffrage universel, nous aurons, au moment voulu, à assurer que dans l'avenir et par-delà les hommes qui passent, la République puisse demeurer forte, ordonnée et continuée».

Face à une opposition vent debout contre cette réforme, De Gaulle a dû descendre dans l'arène et mener campagne. Pour une fois, il est en proie au doute comme le raconte Jean-Michel Apathie dans son livre le Dernier cadeau du Général. Fidèle à son habitude, il se déclare prêt à quitter le pouvoir si jamais le «non» l'emportait. Contrairement à ce qui a pu être dit, François Mitterrand ne s'oppose pas à l'élection du président au suffrage universel, un principe qu'il juge «acceptable en soi». Ce qu'il conteste c'est que ce texte ne procède pas d'une délibération parlementaire mais a été élaboré par l'exécutif. Le président du Sénat, Gaston Monnerville, dénonce un acte anticonstitutionnel. Il accuse même le Premier ministre de forfaiture.

En avril 1969, De Gaulle démissionne cette fois pour de bon après l’échec du référendum sur la création des régions et la rénovation du Sénat. Celui de 1962 sera donc «le dernier cadeau du Général» fait à la France et à toutes les ambitions des hommes politiques, petits ou grands.