Alors que les combats se poursuivent au Haut-Karabakh, la journée de mercredi a été marquée par une série de confrontations en France, entre pro-Arméniens et pro-Turcs autour des villes de Vienne et Lyon. Une escalade en quatre temps. Tout a commencé dans la matinée par une rixe entre ces groupes, lors d'une opération escargot pour la paix au Haut-Karabakh, sur l'A7, vers Vienne (Isère). Bilan : quatre blessés dont un frappé à coups de marteau. Si le déroulé des événements reste encore flou, une enquête est ouverte pour violences avec armes et en réunion, selon Audrey Quey, la procureure de Vienne, interrogée par Libération.
Dans l'après-midi, un rassemblement de la communauté turque démarre près de l'hôpital de Vienne. En début de soirée, c'est un raid de plus de 200 personnes qui déferle dans la ville, agitant des drapeaux rouges avec l'étoile et la lune ou faisant usage de tirs de mortier. «Vous êtes où les Arméniens ?» scandent certains sur des vidéos devenues virales.
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Entre 21 heures et 23 heures, la tension monte d’un cran. Une centaine d’individus d’origine turque se déplace à Décines, la «petite Arménie» de l’agglomération lyonnaise, à une cinquantaine de kilomètres. Selon plusieurs sources, des manifestants arboraient des insignes des Loups gris, un groupuscule ultranationaliste turc, pro-Erdogan, aux méthodes violentes. Une façon de semer la terreur dans cette ville où une partie de la diaspora arménienne s’est installée après le génocide de 1915.
«Des relents de pogroms»
Ces violences se déroulent sur fond de guerre au Haut-Karabakh. Cette zone, disputée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis qu’elle s’est autoproclamée indépendante en 1991, est de nouveau en proie à un conflit armé depuis le mois de septembre. La Turquie soutient l’Azerbaïdjan.
«J'ai 58 ans et j'en ai vu des manifestations des Loups gris, surtout lorsqu'on a fait voter la loi de reconnaissance du génocide arménien en 2001. Mais jamais des manifestations avec des relents de pogroms comme ça», déplore Michaël Cazarian, un pilier de la communauté et président du journal France-Arménie. Selon la police nationale, «plusieurs centaines d'individus hostiles ont été contrôlés, escortés puis reconduits jusqu'à leur domicile». Au total, 65 personnes ont été verbalisées à Décines mais pour ce seul motif : non-respect du couvre-feu. «Ils sont venus à Décines pour "casser de l'Arménien" selon leurs propos, s'alarme Raffi Tanzilli, coprésident du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF). Il faut les mettre hors d'état de nuire. Il y aura des dépôts de plainte.»
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«La chasse à l'Arménien n'a pas sa place dans la République», martèle la députée de la circonscription, Danièle Cazarian (LREM). Tout juste rentrée d'une mission parlementaire en Arménie, pays limitrophe du Haut-Karabakh où elle a rencontré des blessés de guerre, elle s'inquiète de voir ce conflit transposé dans sa ville. «Ce genre d'expédition punitive, pour semer la haine et la terreur, c'est intolérable», s'emporte-t-elle.
«Les tentatives d'intimidation et les actions communautaires hostiles n'ont pas leur place dans notre République», a réagi la préfecture du Rhône. De son côté, le parquet de Lyon a ouvert une enquête pour participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations. Désormais, la communauté arménienne attend une action du ministère de l'Intérieur : la dissolution des Loups gris.