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Libération
Reportage

A Paris, «on est déjà confinés, pourquoi est-ce qu’on ajouterait un couvre-feu ?»

En réaction aux abus, entre soirées clandestines et attroupements dans les rues en ce début de confinement, le gouvernement pourrait décider d'imposer un couvre-feu en soirée en Ile-de-France.
Devant un restaurant parisien fermé, le 2 novembre. (LUDOVIC MARIN/Photo Ludovic Marin. AFP)
publié le 3 novembre 2020 à 14h19

Un couvre-feu à 21 heures en plus du confinement à Paris, voire en Ile-de-France. Voilà qui n'est pas exclu par l'exécutif, qui doit en discuter avec les élus des villes concernées. Pour justifier l'idée lancée par le préfet, Olivier Véran a évoqué ce matin des «attroupements» le soir «dans certaines rues des villes d'Ile-de-France», notamment devant certains commerces ouverts la nuit. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a lui évoqué une fête dans l'arrière-cour d'un immeuble du XVIIe arrondissement. Après un week-end de tolérance où la vie continuait à battre son plein, le nord de Paris était plus calme ce mardi matin. Les passants pressent le pas, avec des sacs remplis de légumes ou du courrier à la main. Les rares statiques sont ceux qui font la queue devant les laboratoires d'analyse.

«C’est le Festival de Cannes dans la rue»

«J'ai pas compris… On est déjà confinés, pourquoi est-ce qu'on ajouterait un couvre-feu ?» réagit d'abord Julie, sortie acheter le pain, avant de constater qu'autant en journée que le soir, les rues sont beaucoup plus fréquentées que lors du premier confinement. «Moi je n'ai pas envie de rester confinée jusqu'en juillet, donc les gens ont intérêt à se responsabiliser», râle celle qui s'attache à trouver des activités manuelles pour occuper son confinement en solitaire dans l'est du XVIIIe arrondissement.

«C'est le Festival de Cannes dans la rue, pareil dans le métro en allant et revenant du travail, même après 21 heures», constate de son côté Ali, habitant du nord-est de Paris, qui travaille en horaires décalés. Lui concède qu'il se sert aussi de son attestation de travail pour passer quelques nuits chez la fille qu'il fréquente, dont l'appartement est plus proche des locaux de son entreprise.

Invitations clandestines

«Dans ma tête, on n'est même pas en confinement, surtout parce que les écoles sont ouvertes, dit Lina, étudiante qui continue à garder des enfants après les cours pendant le confinement. Et puis aujourd'hui toutes les protections sont déjà en place, les masques, le plexiglas et le gel hydroalcoolique dans les magasins, on craint moins d'attraper le Covid, au premier confinement j'avais davantage peur», poursuit-elle. L'envie de suivre le confinement à la lettre lui est passée. Sortie pour se dégourdir les jambes et fumer une cigarette sans attestation, elle est sceptique face à l'idée d'un nouveau couvre-feu à 21 heures dans la capitale : «Si on veut inviter quelqu'un, il vient à 20h30 et reste dormir, ça n'aurait aucun intérêt de mettre le couvre-feu !» D'autres sont plus refroidis et renoncent à l'idée de recevoir des amis habitant à moins d'un kilomètre pour partager un repas clandestin.

Les célibataires, eux, ont plus de mal à accepter l'idée de passer un deuxième confinement sans contact social. Tess est en train de déménager dans un appartement à cinq minutes de son ancien logement, vers la butte Montmartre. Elle avoue qu'elle avait l'intention d'inviter quelques amis du quartier pour boire un verre ce week-end dans son nouveau cocon. Pas sûr qu'elle y renonce. Proche de la trentaine, elle a prévu une balade nocturne dans les prochains jours pour un premier rendez-vous amoureux avec un garçon rencontré sur une application. En cas de couvre-feu, «on fera ça avant 21 heures», balaie-t-elle.