Avec 500 000 personnes revendiquées par ses organisateurs, la mobilisation contre la loi «sécurité globale» est un succès. Voir défiler ces milliers de citoyens, dans la capitale et les villes de France, est rassurant tant les dérives qu'ils dénoncent peuvent donner des frissons d'effroi. A Paris, le cortège s'est élancé depuis la place de la République. Là même où, quelques jours auparavant, des migrants tout juste expulsés de leur campement de Saint-Denis avaient été évacués manu militari par les forces de l'ordre. Des scènes révoltantes de violences policières, auxquelles s'est surimposée l'émotion du tabassage de Michel Zecler, qui a «choqué» jusqu'à l'Elysée. De véritables électrochocs visuels, à l'origine de la mobilisation de certains manifestants samedi. Des images nécessaires dont l'article 24, qui prévoit de pénaliser la diffusion malveillante de l'image des policiers et gendarmes, pourrait demain empêcher la libre circulation.
Pouvoir filmer les policiers est un garde-fou démocratique : la possibilité de documenter l'exercice de la violence par l'exécutif, tout légitime qu'il soit dans un Etat de droit. L'interdire - mesure caractéristique des régimes illibéraux ou autoritaires - est d'autant plus inadmissible en démocratie que cette preuve est souvent essentielle à la démonstration de la vérité. De toutes les vérités : parmi les images largement diffusées lors de la manifestation parisienne de samedi, celles d'un policier roué de coups rendent visible la violence, tout aussi condamnable, à l'encontre des forces de l'ordre. Mais il y a plus grave. Si elle offre à la gauche déchirée un chiffon rouge commun, la loi «sécurité globale» rassure d'abord à droite. En s'entêtant à ne rien lâcher, ni l'article 24 ni son ministre de l'Intérieur, Emmanuel Macron fait donc sciemment le choix du pourrissement. Un calcul politique hasardeux, dont on voit mal la cohérence avec l'appel à restaurer la «confiance» lancé par… le chef de l'Etat.