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Inégalités

Les classes moyennes, principales bénéficiaires de la politique fiscale en 2019

Dans son portait social de la France paru jeudi, l'Insee analyse en détail les effets des mesures fiscales prises en 2019 par le gouvernement. Elles ont surtout bénéficié aux revenus intermédiaires et aux 10% les plus modestes, mais sans effet sur les 10% les plus riches.
A Bordeaux, fin novembre. (PHILIPPE LOPEZ/Photo Philippe Lopez. AFP)
publié le 3 décembre 2020 à 19h33

Depuis le début du quinquennat, l'ensemble des études portant sur les effets des premières réformes fiscales d'Emmanuel Macron vont toutes dans le même sens : en allégeant profondément l'ISF et en instaurant une taxation unique et proportionnelle sur les revenus du capital, ce sont les classes supérieures et surtout les très riches qui ont bénéficié de la politique du gouvernement. Dans sa nouvelle édition du «Portrait social de la France», publiée ce jeudi, L'Insee s'attaque à son tour au sujet en isolant les effets des principales réformes du système socio-fiscal mises en place à partir de 2019. Cela concerne essentiellement les changements intervenus sur les prélèvements directs (baisse de la taxe d'habitation, exonérations d'impôt et de cotisations salariales sur les revenus d'heures supplémentaires) et les prestations sociales (revalorisation de la prime d'activité). Conclusion : d'après l'Insee, ce sont principalement les ménages de niveau de vie intermédiaire qui ont bénéficié des gains les plus notables avec les réformes de 2019, entre le quatrième et le huitième décile sur l'échelle des revenus pour être précis, c'est-à-dire la classe moyenne.

Avec une hausse du revenu disponible représentant au total 11,5 milliards d’euros et principalement lié à la baisse des prélèvements directs (8 milliards d’euros contre une hausse des prestations sociales comptant pour 3,5 milliards), le gain annuel est de 320 euros à partir du quatrième décile, de 340 euros pour les sixième et septième déciles et de 30 euros au niveau du dernier décile. L’augmentation du niveau de vie est logiquement la plus forte en termes relatifs pour les 30% de personnes les plus modestes (+1,8% en moyenne) et cette évolution relative est de plus en plus faible au fur et à mesure que l’on s’élève dans l’échelle des niveaux de vie. Au total, l’effet moyen sur le niveau de vie rapporté à l’ensemble de la population représente un bonus financier notable de 250 euros. Il est de 160 euros pour les 10% de personnes les plus modestes et nul pour les 10% les plus riches. Ces derniers perdent en effet 170 euros en moyenne du fait de la hausse des cotisations retraite liée à la fusion des régimes de retraite Agirc et Arrco, ce qui annule du coup l’effet de la baisse des prélèvements directs de 30 euros.

Infime recul du taux de pauvreté

L’effet moyen sur le niveau de vie du dégrèvement de la taxe d’habitation est chiffré pour sa part à 80 euros annuels. Cette mesure concerne peu les 20% les plus modestes, qui en étaient déjà exonérés, et les 20% les plus aisés, pour lesquels la situation ne change pas ou peu. L’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires augmente surtout pour sa part le revenu de la moitié la plus aisée de la population, et contribue de ce fait à accroître les inégalités, même si au final l’effet de l’ensemble de ces réformes a tendance à légèrement les réduire en faisant reculer le taux de pauvreté de 0,2%. Autre enseignement, ces mesures intervenues en 2019 bénéficient avant tout aux ménages dont la personne de référence est en emploi (exonérations des heures supplémentaires, revalorisation de la prime d’activité).

Les réformes de prestations sociales intervenues en 2019 sont, elles, ciblées sur les 40% de personnes les moins aisées, et bénéficient surtout aux personnes situées entre le 1er et le 3e déciles de niveau de vie ainsi qu'aux retraités. De toutes ces mesures, c'est la hausse de la prime d'activité qui a le plus d'effet sur le niveau de vie des ménages et la réduction des inégalités. Enfin la hausse de la fiscalité sur le tabac pénalise l'ensemble de la population de 50 euros en moyenne, mais pèse davantage sur les personnes les plus modestes relativement à leur niveau de vie. En revanche si on tient compte de la baisse des quantités consommées suite à cette hausse des prix du tabac, les pertes de niveau de vie sont plus de deux fois plus faibles pour l'ensemble des ménages.

Pas d’amélioration pour les plus modestes 

Dans deux notes parues au début de l'année et qui portaient sur les effets sur les ménages des mesures fiscales prises par l'exécutif pour l'année 2020, l'OFCE (rattaché à Sciences-Po) et l'Institut des politiques publiques (Ecole d'économie de Paris) ont confirmé les conclusions de leurs travaux des années précédentes. La poursuite de la réforme de la taxe d'habitation – dont la majorité des ménages sont désormais exonérés – et la baisse de l'impôt sur le revenu, sensible pour les foyers se trouvant au milieu du barème d'imposition, ont certes bénéficié à l'ensemble de la classe moyenne. Son gain moyen a représenté 1% du revenu disponible. Les gains sont plus importants, de l'ordre de 1,5%, pour ceux qui se situent au-dessus de 2 300 euros mensuels, soit les classes moyennes supérieures (si l'on se rapporte au revenu médian, de 1 789 euros par mois). Quant aux ménages très modestes (7% d'entre eux disposent de moins de 789 euros par mois), ils restent les grands oubliés de la politique fiscale : les plus pauvres ne profitent pas des baisses de prélèvements obligatoires pour la simple raison qu'ils n'en paient pas.