Cent quarante-neuf propositions et à l'arrivée… pas mal de désillusions. Lors de sa rencontre avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), Emmanuel Macron a dévoilé un peu plus les contours du projet de loi qui doit bientôt être transmis au Conseil d'Etat. Les associations de défense de l'environnement, qui attendaient un coup d'accélérateur, dans le sillage de la réévaluation des ambitions européennes de réduction des émissions de gaz à effet de serre la semaine dernière, regrettent la multiplication des «jokers» présidentiels.
Rénovation thermique : les travaux prennent du retard
Sur ce sujet crucial, la CCC proposait ce que réclament les ONG depuis plus de dix ans : rendre obligatoire la rénovation énergétique globale (toit, isolation, fenêtre, chauffage et VMC) et performante des logements, progressivement à partir de 2024 et d'ici à 2040. Le tout assorti d'un «vaste dispositif d'accompagnement» financier et humain pour les ménages les plus modestes. Ce qui aurait pu permettre de faire enfin décoller ce grand chantier : le parc immobilier (résidentiel et tertiaire) représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays. Las, lundi soir, Emmanuel Macron a balayé la mesure, estimant que «rendre la rénovation obligatoire, ça veut dire qu'on fait porter la contrainte sur chaque ménage», notamment lors de la vente d'un logement. Il a remis sur la table l'idée de faire appel à des tiers financeurs (Caisse des dépôts, banques et assurances, acteurs de l'énergie…) pour «trouver une manière exhaustive de financer la rénovation globale des passoires thermiques entre maintenant et 2030», a précisé la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon. Pour cela, le Président a souhaité «qu'on se donne trois mois».
Lancer une nouvelle concertation de trois mois sur une idée dans les cartons «depuis vingt ans», de l'aveu même de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, ressemble fort à une manière de procrastiner. L'instauration dans la loi d'une obligation de rénovation globale serait pourtant «la seule voie pour atteindre les objectifs climatiques et en finir avec la précarité énergétique», estime le directeur du Cler-Réseau pour la transition énergétique, Jean-Baptiste Lebrun.
Transports : sans itinéraire précis
Le secteur est stratégique : il pèse à 29 % dans les émissions de GES en France métropolitaine. Les membres de la CCC souhaitaient que les véhicules neufs dits «très émetteurs» ne puissent plus être vendus à partir de 2025. Pour amortir le choc, des mesures étaient sur la table : augmentation du bonus pour les véhicules peu polluants, renforcement du malus sur les polluants, modulation des taxes sur les contrats d'assurance. Mais après l'arbitrage de l'exécutif, l'échéance a été repoussée de cinq ans, sans qu'un seuil d'émissions polluantes ne soit défini. Insuffisant pour Anne Bringault, du Réseau Action Climat (RAC) : «Les véhicules qu'on vend maintenant vont polluer pendant dix ou quinze ans, reporter à 2030, c'est beaucoup trop tard.» Autre recul, sur le transport aérien cette fois. La CCC mettait sur la table une écocontribution sur les billets d'avion, à laquelle Emmanuel Macron oppose un «joker en bonne et due forme», selon le RAC. La suppression des connexions aériennes intérieures réalisables en moins de quatre heures en train est aussi édulcorée : le seuil passe à deux heures et demie en train, en excluant le hub de Roissy. Sentence du RAC : «Seules 5 connexions aériennes intérieures sur les 108 existantes seraient concernées.»
Publicité : surtout des symboles
Une dizaine de propositions de la convention tournaient autour d'une régulation de la pub «pour réduire les incitations à la surconsommation». A l'arrivée, la déception des associations est grande. «La seule mesure conservée "sans filtre" est l'interdiction des avions publicitaires, nécessaire mais symbolique», déplore Résistance à l'agression publicitaire. Autre mesure très attendue : l'interdiction de la publicité pour les produits les plus émetteurs de gaz à effet serre… comme les voitures les plus polluantes. «Sur le principe de la loi Evin, explique le RAC, pour sortir des injonctions contradictoires» entre les pubs pour les SUV et les recommandations d'aller vers des véhicules moins polluants. Le Président a soulevé l'argument de «l'énorme problème économique» que cela poserait pour la presse et la télévision, dépendantes de ces annonceurs, et évoqué une évaluation de l'«impact concret» d'une telle mesure. Arbitrant pour le moment en faveur de la seule interdiction de la publicité directe pour les énergies fossiles, dont il a reconnu qu'elle n'aurait qu'un «impact très faible».