Il est 5 h 45 du matin et le soleil tape déjà à Bandrélé, à 23 kilomètres au sud de Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte. Alors que des dizaines de jeunes se massent sous l’Abribus de Nyambadao, deux cadis - des juges musulmans - s’approchent, solennels dans leur boubou, portant l’écharpe des notables et le kofia brodé, le bonnet mahorais. Les dignitaires religieux invitent lycéens et collégiens à les écouter. Les premiers, assis sur le trottoir, les ignorent ; les seconds, plus dociles, obtempèrent. L’objectif de cette rencontre surprenante : convaincre les jeunes de ne pas céder à la violence, qui gangrène le département d’outre-mer.
«Nous, vos aînés, on allait à l'école à pied, sans bus et sans Nike, leur lance Mohamed Abdallah, le cadi de Bandrélé. Et pourtant, hamdoulilah, on a réussi. Alors respectez les maîtres, apprenez vos leçons et ne vous laissez pas entraîner dans les bagarres entre villages par ceux qui loupent leurs études !» Après cinq minutes d'exhortations et une courte prière paumes tendues vers le ciel, les deux juges musulmans reprennent la route, convaincus de leur mission pacificatrice. «Ça marche, affirme Mohamed Abdallah. L'an dernier, un jeune de Hamouro n'aurait jamais pu venir à Bandrélé sans se faire caillasser !»
Dans une gargote longeant la RN3 embouteillée, autour du café matinal, son coreligionnaire Ouirdane Chamassi renchérit. Une famille les a appelés à l'aide car le fils cadet s'apprêtait à «