Troisième vague ou rebond de la deuxième ? Dans le Grand-Est, le nombre de malades du Covid-19 ne cesse d'augmenter ces deux dernières semaines. D'après les données de Santé publique France du 17 décembre, le taux d'incidence s'envole dans la région : 184,8 nouveaux cas positifs pour 100 000 habitants (du 7 au 13 décembre). L'Agence régionale de santé a enregistré, elle, un taux plus élevé de 202,8 (du 9 au 15 décembre). C'est bien au-delà de la moyenne nationale et ses 134,6 nouveaux cas. Pour le docteur Eric Thibaud, chef du service des urgences des hôpitaux civils de Colmar, si les soignants sont mieux préparés à la maladie, leur force, elle, faiblit.
Quelle est la situation aujourd’hui aux urgences à Colmar, et plus généralement au sein de l’hôpital ?
Depuis une semaine, on a clairement une augmentation du nombre de nouveaux cas de Covid-19. On est obligé de s'adapter au niveau organisationnel en déprogrammant et en créant des secteurs dédiés aux cas Covid pour préserver la sécurité de tous. On sait déjà que, sur les deux semaines à venir, la gestion des lits de réanimation pour le Covid se fera au jour le jour. Hier par exemple, on a envoyé un cas de Covid grave à Strasbourg parce qu'on avait plus de place en réanimation. Après, il y a pas mal de différences avec l'épisode de mars-avril. On utilise un système de tests PCR sans amplification, qui nous permet d'avoir les résultats en quinze minutes alors qu'avant, il fallait attendre trois heures. C'est un gain de temps et de sécurité énorme. Et là où, fin mars, on était monté à 66 passages Covid [dans le service] par vingt-quatre heures, aujourd'hui, on dépasse rarement les 10. On n'a pas encore la tête sous l'eau, mais on a très peur du sens que prend la courbe épidémique. On sait que le mois de janvier sera compliqué…
Justement, comment appréhendez-vous la période des fêtes de fin d’année ?
Pas bien du tout. Très clairement, on est au bout de nos capacités habituelles en Covid, on va être obligé de basculer des lits d’autres secteurs en lits Covid. Les précautions d’isolement nécessitent plus de personnel à nombre de patients égal. Un malade Covid prend beaucoup plus de temps qu’un malade non-Covid, pour des questions d’habillage, de déshabillage, etc. Ça complique les choses, car il faut repenser l’effectif paramédical de jour et de nuit. Ensuite, l’hôpital est dans l’ensemble fatigué, on a quand même eu une année particulièrement violente. Au niveau paramédical, il y a beaucoup plus d’absentéisme et de signes d’épuisement. Et même au niveau médical, les effectifs dans les services d’hospitalisation sont en moins grande forme qu’en mars. On fera face, on n’a pas le choix. Mais ce sera dur, ça l’est déjà.
Un nouveau confinement serait-il la solution pour endiguer le virus ?
D'un point de vue purement sanitaire, oui. Mais d'un point de vue économique… J'ai une vision de terrain qui est évidemment biaisée. Pour moi l'équation est assez simple : en mars, quand le pays s'est fermé, dans les deux semaines qui ont suivi, le nombre de cas a diminué de façon impressionnante. Là, en novembre, le nombre de cas n'a pas diminué de façon aussi impressionnante et il remonte. Mais ce n'est pas binaire. On ne peut pas choisir entre le sanitaire et l'économique. S'il y a crise économique, et il y en aura une, cela aura des conséquences sanitaires. Donc oui, d'un point de vue purement sanitaire le confinement reste aujourd'hui la seule solution face à une augmentation importante du nombre de cas. Il faut être lucide. Aux Etats-Unis, après Thanksgiving, ils ont eu un nouveau rebond épidémique. On aura le même après les fêtes.
Que conseillez-vous aux gens juste avant les fêtes ?
Il n’y a pas de secret, il faut faire attention. On a tous besoin de passer du temps en famille, de voir les gens qu’on aime. Pour moi c’est très simple : on a une lumière de sortie de crise qui est le vaccin. On peut ergoter pendant des heures sur la sécurité, les risques, etc. Il faut faire des efforts pendant encore six mois pour sortir de cette pandémie. Je sais que c’est difficile, mais si on ne fait pas ce qu’il faut, le système de soin sera de nouveau saturé. Si ce qu’on a vécu en mars-avril devait arriver dans plusieurs régions en même temps, on ne serait pas capable de faire face au niveau national.