Sans savoir l’expliquer, Marwan rit quand Sami (1), son copain à barbe grise, se souvient de la façon dont il l’a pleuré. Ce dernier était assis ici même, sous la devanture d’un immeuble, devenue chambre de fortune du premier. Il raconte avoir sorti une bouteille de rouge, au milieu du quartier, dans l’Est parisien. Il l’a calée entre ses cuisses. Et craqué en toisant des voitures, parce qu’il a cru, à tort, à la mort d’un compagnon ponctuel d’errance. Après la reconstitution de ce deuil qui ne compte plus, Marwan, sans-domicile fixe au teint mat, a tiré de sa poche une radio grise d’un autre temps, dont les piles sont à nu, sans cache. Son camarade barbu a caressé l’antenne et choisi la fréquence. Violons d’Orient, voix cassée de chanteur de mariage ivre mort, fins grésillements qui ne perturbent pas la mélodie.
Le revenant a confié l'appareil à un bout de trottoir et s'est levé pour danser une minute, bras écartés dans le froid qui confisque la peau des mains. Il se félicite d'avoir perdu un peu de poids et de pouvoir boutonner un blouson épais et cintré. Il dira : «Des gens ont déjà pris des photos de moi pour les mettre sur Internet ou je ne sais pas. Mais pour quoi faire ?»
Fin novembre, l’absence de Marwan de son habituel coin bitumé et ses affaires envolées avaient conduit à la résignation collective du voisinage et au triomphe de la rumeur sombre : comme des centaines d’autres, la précarité extrême l’aurait tué. D’autant qu’il a passé une partie de l’automne m