Anna (1) a encore une fine coupure sur la lèvre, qu'on ne remarque que si on la cherche. «Au début, c'était tout gonflé», rappelle-t-elle assise sur son lit, dans sa chambre aux tons rose poudré. Pendant les vacances de Noël, l'adolescente, 15 ans, a aussi changé de coiffure, optant pour un carré châtain. L'envie «d'avoir une nouvelle tête», d'être un peu moins la fille de la vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux dès le 12 décembre au soir, après la manifestation marseillaise contre la loi sur la «sécurité globale» : on l'aperçoit assise par terre dans la rue, la bouche et ses deux mèches alors peroxydées en sang, puis marchant l'air hagard, menottée et encadrée par des policiers qui l'accompagnent, avec une amie du lycée, elle aussi arrêtée, vers le commissariat voisin. «Elle est en sang, la petite !» hurle une voix sur la vidéo. C'est pourtant Anna qui est placée en garde à vue ce jour-là, pour «violences» envers des policiers. Le début d'un «acharnement judiciaire», dénonce son avocat, Philippe Ohayon, pour une adolescente au casier jusqu'alors vierge, et qui depuis a porté plainte pour «violences volontaires par personnes dépositaires de l'autorité publique».
Pour comprendre ce qui s'est passé le 12 décembre, Claire, sa mère, veut reconstituer la journée «seconde par seconde», depuis ce déjeuner où Anna lui annonce qu'elle veut aller manifester contre