Deux semaines après la Maskarade, rave-party du Nouvel An qui a rassemblé près de 2 400 participants à Lieuron (Ille-et-Vilaine) et entraîné une polémique nationale, de nombreuses marches pour réclamer le «droit à la fête libre» étaient organisées en France ce samedi. A Nantes, les manifestants se sont retrouvés vers 14h30 dans le centre-ville, devant la préfecture, rejoignant le rassemblement intersyndical et interassociatif qui réclame le retrait de la proposition de loi «sécurité globale». «Je suis venue là pour faire un peu la fête, ça fait du bien de voir du monde !» lâche une jeune femme qui souhaite rester anonyme. Plusieurs centaines de «teufeurs», beaucoup masque sur le visage, sont réunis sur les quais de l'Erdre, à côté de camions équipés de sonos. Sous une pluie fine mais ininterrompue, ils entament un parcours qui leur fait traverser le centre-ville, syndicats et associations en tête. Les «teufeurs» ferment la marche en dansant. Selon la préfecture, ils sont 1 900 à défiler. Quelques fumigènes colorés se mêlent à la bruine.
Certains ont autour du cou des pancartes en carton portant la mention «Je suis organisateur», comme Vincent et Romain. Les deux amis installés dans la région nantaise se décrivent comme «d'anciens teufeurs». «Je ne vais plus trop en soirée parce que je commence à vieillir», estime Romain, 36 ans. Faisant référence au placement en détention provisoire début janvier d'un jeune homme aujourd'hui mis en examen pour sa participation présumée à l'organisation de la rave-party de Lieuron, il ajoute : «Je suis venu à cette manif et j'ai accepté avec plaisir de prendre cette pancarte parce que je ne trouve pas normal que quelqu'un risque la prison parce qu'il aurait participé à l'organisation d'une soirée. Et, de mon point de vue, organiser une fête comme ça, ça ne se fait pas seul. Il va prendre pour tous, pour l'exemple.» «Sous couvert du Covid, la culture et toutes les libertés sont bridées. On tend de plus en plus vers un Etat répressif», déplore Vincent.
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Un peu plus loin, deux jeunes trentenaires représentent les deux courants de la manifestation. Lui est là pour défendre le «droit à la fête». Elle, pour exprimer son opposition à la proposition de loi «sécurité globale». «Je veux pouvoir continuer à prendre des images quand je vais en manifestation», dit-elle en montrant l'appareil photo qu'elle tient à la main. Beaucoup de «teufeurs» venus manifester sont plus jeunes. Parmi eux, certains étaient à la rave-party de Lieuron. L'une, âgée de 22 ans, ne souhaite pas donner son nom. Elle raconte : «A Lieuron, on a réussi à rentrer dans la fête au bout de trois heures. On avait les yeux gonflés par les lacrymos et on n'avait plus de voix. L'usage de la force était clairement disproportionné. Aujourd'hui je suis là en soutien aux personnes mises en examen [quatre à ce jour, ndlr], pour le droit à la fête et la défense des libertés.» Ira-t-elle à d'autres raves ? «Oui !» affirme-t-elle, avec un grand hochement de tête enthousiaste.
Après un début de manifestation dans le calme, quelques heurts interviennent. Des gaz lacrymogènes sont tirés par les forces de l’ordre peu après 16 heures et le lanceur d’eau, utilisé. Un peu plus d’une heure avant le nouvel horaire de couvre-feu, la pluie continue d’imprégner la ville ; l’ambiance festive, elle, retombe.
Photo Théophile Trossat pour Libération