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Protocole

Covid-19 : dans les écoles, le système D comme déjeuner

Face à la propagation du virus, les écoles doivent mettre en place un nouveau protocole sanitaire pour les cantines avant lundi. Un défi pour bon nombre de parents, qui sont obligés de revoir leur organisation familiale et professionnelle.
Dans une école parisienne, lors de l'apprentissage des gestes barrières le 23 novembre. (Photo Anne-Christine Poujoulat. AFP)
publié le 24 janvier 2021 à 15h02

Tour de vis dans les cantines. Autorisées à rester ouvertes au nom de la continuité pédagogique, les écoles ont jusqu’à ce lundi pour appliquer le protocole sanitaire renforcé mis au point par le ministère de l’Education nationale pour les espaces de restauration, lieux de brassage propice à la dissémination du Covid. Port du masque jusqu’à la fourchette, suppression des corbeilles de pains ou de fruits, interdiction de mélanger des classes, espacement des jeunes convives sur les tables : de nombreux maires ont déjà mis en place ces mesures renforcées en multipliant les initiatives. Mais ces adaptations relèvent parfois du casse-tête pour les familles.

A Comines, dans le Nord, la mairie a fermé les cantines de trois écoles maternelles et primaires pendant toute une semaine. Seuls les enfants dont les deux parents travaillaient en présentiel étaient invités à apporter un repas et à le manger en classe. Un repas froid, cependant, puisque l'accès aux micro-ondes était interdit. «Il s'agit de deux réfectoires qui accueillent habituellement 900 élèves. L'un contient 500 places et l'autre 300. Il m'était impossible d'assurer les repas dans des délais aussi courts, explique le maire Eric Vanstaen. En plus, plusieurs personnes du personnel sont malades ou cas contacts. Ça n'aurait pas pu être gérable en faisant autrement.»

Un repas chaud sur deux

Sa décision a suscité de vives réactions dans les familles, raconte Jessie Bruyenne, la présidente de l'Association des parents d'élèves du groupement des écoles du centre. «Les parents se sont plaints parce que leurs enfants ne bénéficiaient pas d'un repas chaud, alors qu'on est en plein hiver. Ils reprochent aussi l'annonce tardive de ce changement de régime. Mais sur ce dernier point, je pense que le maire a essayé de nous prévenir le plus rapidement possible, c'est-à-dire le lendemain des annonces gouvernementales», indique-t-elle. Malgré les critiques, Eric Vanstaen estime que «les parents ont joué le jeu». Ce qui a permis de faire baisser le nombre d'enfants inscrits à la cantine de moitié et de rouvrir les réfectoires. Aujourd'hui, les élèves de maternelle y sont autorisés à manger tous les jours et les primaires une fois sur deux, en alternance, un repas chaud à la cantine et un repas froid en classe.

Mais cela ne concerne pas les enfants dont un des parents est sans-emploi ou en télétravail à plein temps : il leur faut toujours aller les chercher à l'heure du déjeuner. C'est le cas du fils de Cécile, âgé de 8 ans. Elle travaille en présentiel plusieurs fois par semaine, c'est donc son ex-mari, actuellement au chômage, qui récupère Elio. «Même si j'étais en télétravail total, je n'aurais pas pu le prendre. Je n'ai pas la même coupure méridienne que mon enfant. La sienne commence à midi et se termine à 14 heures et la mienne s'étale de 12 h 30 à 13 h 30», témoigne la mère de famille.

D'après Jessie Bruyenne, de nombreux parents en télétravail estiment de ce fait ne pas pouvoir accueillir correctement leurs enfants : certains se retrouvent à participer à des réunions en visioconférence sur le chemin de l'école, d'autres à travailler pendant la préparation des repas. «Je connais des gens qui ont demandé aux grands-parents d'aller chercher leurs enfants, malgré le Covid-19. D'autres ont fait appel à leurs voisins ou leurs amis», explique la présidente des parents d'élèves.

«Nos enfants ont fini de manger à 15 h 15»

Certains élus ont adopté des dispositifs différents pour tenter de respecter le nouveau protocole sanitaire. A Marseille, la ville a décidé d'allonger le temps de service de cantine de 11 heures et 14 heures pour éviter les brassages des différents groupes d'élèves. Cette mesure a été mal accueillie par certains parents comme Linda, mère de deux enfants habitant dans le 3e arrondissement. Elle a exprimé sa colère sur Twitter, dénonçant un «fiasco sur tous les plans» : «Nos enfants de CM2 ont fini de manger à 15 h 15 à la cantine hier ! Protocole sanitaire ingérable.»

Elle l'a accompagné d'un courrier du directeur de l'école élémentaire de ses enfants qui explique avoir du mal à appliquer les nouvelles règles sanitaires. «Je tiens à vous affirmer combien nous sommes désolés des conséquences sur vos enfants d'une telle situation», écrit-il dans les derniers paragraphes du document, expliquant qu'il a transmis ses observations sur les difficultés aux administrations compétentes, dont l'Education nationale.

La colère de Linda a quand même eu des effets : l'école a réduit le nombre de services de 7 à 6, afin de permettre la reprise des cours à 14 heures maximum. De quoi rassurer quelque peu la mère de famille, même si elle aurait aimé que son enfant déjeune un peu plus tôt : «Les horaires ont bien été respectés avec cette dernière mesure. Les élèves sont plus nombreux que ce qui était prévu à l'origine. Mais le personnel a mieux géré la situation. Tant que les enfants ne mangent pas à 14 heures ou 15 heures, on peut dire que ça passe, même si ce n'est pas l'idéal.»

Linda ne peut pas aller chercher ses enfants à l'heure de la pause méridienne. «Les horaires de mon fils en CE1 ont changé. Il finit à 11 heures et reprend à 13 heures, tandis que ma fille en CM2 termine à midi et reprend à 14 heures. Ces horaires d'entrée et de sortie de classe ne me permettent pas de jongler entre les deux», souligne la jeune femme.

Afin de s’assurer que ses enfants n’aient pas faim en attendant leur déjeuner, elle glisse chaque jour des petites collations dans leurs cartables. «Des fruits ou des gâteaux, pour la récréation.»