Leur vie ressemble à une chorégraphie minutée et parfaitement synchronisée. A minuit, le réveil sonne, à 0 h 09, ils l'éteignent, à 0 h 12, ils se lèvent, à 0 h 20, ils quittent leur maison de Plonévez-du-Faou, au lieu-dit du «Stang», un village isolé du Finistère. Elle boit un verre d'eau, il tient la porte jusqu'à ce qu'elle sorte. Elle s'assoit dans la voiture en deuxième, il démarre. Toute la nuit, ils travaillent dans leur boulangerie-pâtisserie de Quimper, là où ils se sont rencontrés en 2015 quand elle était apprentie et lui son patron. Toute la journée, ils retapent la vieille bicoque, espérant la revendre rapidement. C'est la même chose, sept jours sur sept. Jusqu'au 23 août 2018, leur vie entière tenait dans cette chorégraphie si bien réglée. Mais ce soir-là, des coups de feu ont retenti. Et à 0 h 23, le ballet amoureux s'est brusquement arrêté. Devant la cour d'assises du Finistère, Marie, frêle jeune femme aux cheveux courts, a le regard perdu sur le tableau accroché au mur, une terre roussie irradiée de lumière blanche. Elle a 27 ans et une balle enfoncée à 3 cm dans le cerveau. «Si on intervient, ça va détruire le peu de vue qu'il me reste», précise-t-elle.
«Balles dans la tête»
Condamnée à vivre avec l'horreur de cette nuit ancrée dans le crâne, elle repasse le film d'une voix sans affect : l'homme en noir et son fusil, la première détonation, la porte qui se referme. «Elle s'est rouverte et il a tiré deux balles dans la tête de Vincent, puis deux sur moi. Ça m'a couché