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A Pôle Emploi de Valence : «On s’est tous dit "ça aurait pu être moi"»

Après les meurtres de Valence, toutes les agences de France sont restées fermées vendredi. Les conseillers, qui étaient appelés à observer une minute de silence à midi, veulent «comprendre».
L'agence Pôle Emploi de Valence où une conseillère a été abattue. (Photo Sophie Rodriguez pour Libération)
publié le 29 janvier 2021 à 21h01

«Fermeture exceptionnelle ce jour.» Le message est sobre, écrit sur une feuille blanche collée sur le rideau de fer de l'agence Pôle Emploi du boulevard Ney, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Deux femmes sont là pour l'ouverture. L'une est venue déposer une lettre, l'autre s'étonne de trouver porte close. «C'est à cause de Valence», lui glisse la première. «Valence ?» s'étonne la demandeuse d'emploi. «Un homme a tué une conseillère.»

Derrière la grille, l'agence est presque vide, comme les 900 du territoire, fermées au public vendredi. «Il faut laisser à nos agents le temps du recueillement», glisse-t-on à la direction générale. La veille, un homme a tué d'une balle dans le thorax une conseillère de l'agence de Valence (Drôme) avant, selon les enquêteurs, de se rendre dans son ancienne entreprise pour tuer une responsable DRH.

«La première réaction, c'est le choc, la sidération, témoigne Guillaume Bourdic, conseiller à l'agence de Concarneau en Bretagne. On a tous fait l'accueil à l'agence, on s'est tous identifiés, on s'est tous dit "ça aurait pu être moi."» Ce représentant national de la CGT salue la décision de la direction de fermer et d'élargir le télétravail pour cette journée. «Tous les agents sont traumatisés dans ce genre de moment», précise-t-il en rappelant l'immolation par le feu d'un demandeur d'emploi à Nantes, en 2013.

Plusieurs conseillers contactés par Libération préfèrent ne pas s'exprimer publiquement, encore choqués par l'assassinat de leur collègue. Entre deux sanglots, ils disent vouloir prendre le temps du deuil. Certains se sont exprimés, notamment sur les réseaux sociaux. «Nous sommes une grande famille», témoigne une conseillère, pour qui la mort de sa collègue est la «triste réalité d'une détresse aggravée». Certains ont changé leur photo de profil pour un logo de l'établissement public barré d'un bandeau noir. Une autre dit avoir accroché un ruban noir directement à son badge, «pour ne pas l'oublier».

«Après l'émotion, on a besoin de comprendre, enchaîne Guillaume Bourdic. On parle évidemment d'un cas extrême, mais il y a des choses à faire pour améliorer l'accueil dans nos agences, pour pacifier la relation avec les usagers.» Le syndicaliste s'indigne du fait qu'il soit fait de plus en plus appel à des contrats courts pour gérer l'accueil des chômeurs. Des salariés moins formés et précaires, souvent dans l'incapacité d'apporter des réponses, ce qui crée plus de frustration qu'autre chose. «On manque de moyens humains. On met des travailleurs précaires pour répondre à des chômeurs dans la précarité, ça ne marche pas», souligne le délégué syndical.

Des choses dont il faudra discuter avec la direction générale, précise-t-il, «qui plus est avec la crise économique et sociale qui s'annonce». En attendant, des permanences ont été mises en place un peu partout pour permettre aux agents de discuter, de demander un suivi, précise un représentant de la CFDT. Tous les conseillers ont été appelés à respecter une minute de silence à midi. «C'est important pour les collègues de Valence, conclut Guillaume Bourdic. Ils ne sont pas seuls.»