Le «patron» de Renault entre 1955 et 1975 et, à ce titre, maître
d'oeuvre du laboratoire social que fut la Régie de la grande époque, Pierre Dreyfus est mort hier.
Le mot le plus violent que ses plus proches collaborateurs l'aient entendu prononcer est: «fâchant». Le metteur en scène du «plus grand théâtre social de France», selon son expression, n'élevait pas la voix. Jamais. Petit homme chétif, «le patron» de Renault entre 1955 et 1975 imposait son autorité d'une voix douce, presque fluette. Décédé hier, Pierre Dreyfus n'avait a priori rien à faire dans l'industrie parmi les capitalistes avec qui il n'a jamais dialogué qu'à distance. En 1936, l'adolescent trotskiste venu à la SFIO entre, à 29 ans, au cabinet de Vincent Auriol, ministre des Finances du Front populaire.
En 1955, il ne connaissait rien à l'auto Résistant durant la guerre, celui qui rêvait d'une carrière dans la haute fonction publique devient inspecteur général de la Production industrielle, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie et du Commerce, Robert Lacoste, de novembre 1947 à octobre 1949. Là, il côtoie quelques personnages immenses comme Marcel Boiteux, Monsieur EDF, ou Pierre Guillaumat, l'homme qui a bâti Elf. Président des Houillères du Bassin de Lorraine à partir de 1950, il doit normalement devenir, comme ses camarades, une figure de l'énergie en France.
Mais quand Pierre Lefaucheux, le patron de Renault depuis la nationalisation, meurt en 1955 dans un accident de voiture, l'état-major de