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Libération
Enquête

Taxis, histoire d'une sous-prolétarisation

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A la G7, 700 voitures, 6 chauffeurs salariés. Tous les autres sont locataires.
publié le 24 avril 1995 à 2h47

La scène est digne de figurer dans une série américaine, mais elle est récurrente dans l'univers (impitoyable) du taxi de Paris. Robert, 30 ans et cinq enfants à charge, est chauffeur-locataire depuis deux ans dans une société propriétaire de six autorisations de taxi, une des 554 entreprises parisiennes de location déclarées. Après quelques journées maigres, Robert se trouve en retard d'une location (4.200 francs la semaine). Le vendredi, le patron téléphone (sans même envoyer une lettre recommandée) et lui demande de restituer la voiture: lundi, dernier délai. Au fort d'Aubervilliers, une impressionnante porte métallique télécommandée verrouille une impasse. Robert, accompagné de deux syndicalistes-locataires, négocie avec son patron et verse la somme due. Pour cette fois, il a la chance d'obtenir un sursis. «Une très rare faveur de la part des sociétés de location. Comme les autres, après des années de falsification de la législation du travail (fausses fiches de paye et déclarations de travail), ce patron a eu peur de voir pour la première fois une solidarité autour de son locataire», estiment les deux compagnons de Robert. Ainsi celui-ci pourra-t-il poursuivre sa course contre la montre et pour un salaire misérable. Ils sont 6.400 dans son cas: l'après-guerre du Golfe a vu la raréfaction de la clientèle du taxi, avec effet immédiat sur le statut du locataire, sous-prolétarisé. Certains jours, Robert «se fait» difficilement 70 F, carburant et location payés. Son cas est