Romorantin, envoyé spécial
«Ici, on est des numéros, rien de plus. Il n'y a pas de vraies relations humaines dans cette boîte, on bosse en 2-8 et on n'arrive pas à avoir une vie de famille et pourtant ça se paye ça, non?» Christian, un homme de 45 ans au visage émacié, est ouvrier de fabrication depuis vingt et un ans sur la chaîne de montage Romo 1. C'est l'unité de production de Matra-Automobile installée, depuis 1964, à Romorantin (Loir-et-Cher) et qui compte aujourd'hui 2.200 salariés. Elle produit 16 Espace par heure et a réalisé, en 1994, 500 millions de francs de bénéfice net. Ces bons résultats ont aiguisé l'appétit des salariés, qui exigent aujourd'hui une hausse mensuelle de 500 francs à compter du 1er janvier de cette année. Mais après quatre semaines de grève tournante, le conflit s'enlise.
En février, l'intersyndicale CGT, CFDT, FO, CFTC appelait les ouvriers à débrayer trois heures pour obtenir l'ouverture des négociations salariales. «On a eu tout de suite affaire à un mur. La direction ignore tout des rancoeurs accumulées ici depuis des années», raconte Césario Nogueiras de la CFDT. Depuis le 12 avril, la chaîne d'assemblage a des ratés. Ce sont des grèves tournantes qui donnent maintenant quotidiennement la cadence. Deux équipes, soit 700 salariés, débrayent à tour de rôle une heure trente par jour. Suivi à 80% au début, ce conflit entre aujourd'hui dans sa cinquième semaine, du jamais vu ici. Même si la participation recule sensiblement, la technique a fait