Linhares, envoyé spécial
Sous un hangar flambant neuf, des balles de latex coagulé répandent une odeur de poisson pourri. Trituré, lavé à grande eau, puis séché dans un four, le sernambi, désignation locale de la gomme à l'état brut, passe en bout de chaîne dans une presse, d'où ressortent, libérés de leur pestilence, des blocs de matière spongieuse couleur caramel, frappés du sceau GEB (granulés obscurs brésiliens).
Inaugurée samedi en présence d'une kyrielle de notables régionaux, l'usine de traitement de latex de la fazenda (propriété agricole) Agrobor de Linhares, dans l'Etat d'Esperito Santo, s'apprête, à partir de cette semaine, à approvisionner en matière première les fabriques de pneus des firmes Pirelli et Firestone installées dans la banlieue de Sao Paulo. «Nous sommes en train de vaincre un tabou», pavoise Carlos Alberto Brito, l'un des dirigeants de Cotia OMB, la société propriétaire de l'exploitation de 500 hectares d'hévéas fraîchement pourvue de modules industriels.
De fait, depuis une vingtaine d'années, le Brésil tente de surmonter l'un des traumatismes les plus pesants de son passé économique. Après avoir régné sans partage, entre 1860 et 1910, sur le commerce mondial de gomme naturelle qui assurait à l'époque 25% de ses rentrées en devises, la terre natale de l'Hevea brasuluensus importe en effet, actuellement, la moitié (50.000 tonnes, en 1994) du caoutchouc nécesssaire à son industrie.
Cet invraisemblable retournement de situation, sans pareil dans l'histoi