Caen, de notre envoyée spéciale «J'fais partie des murs.» La formule répétée jusqu'à l'usure par les ouvriers de Moulinex, en grève depuis une semaine pour des augmentations de salaire, traduit bien une réalité. La quasi-totalité des salariés du numéro 1 européen de l'électroménager travaille depuis vingt ou vingt-cinq ans pour le groupe. Embauchés à 16 ans, ils en ont aujourd'hui 40 bien tassés. C'est toute une génération qui a vieilli ensemble (Moulinex n'embauche plus depuis 1986), concentrée sur une région, la Basse-Normandie. Ici, autour de Caen, à Cormelles-le-Royal, à Argentan, Alençon ou Bayeux, treize usines fournissent 60% de la production industrielle de Moulinex dans un rayon de 100 kilomètres. Hier, neuf d'entre elles étaient en grève et au moins six totalement bloquées par des piquets de grève.
La nuit, les hommes font leur quart, à tour de rôle, pour surveiller les entrées et remettre d'aplomb «les lignes de défense». Deux mètres de palettes de bois, de ferraille et de bidons encerclent les usines Moulinex transformées en fort Chabrol pour empêcher non-grévistes et cadres de pénétrer dans leur enceinte.
Depuis 1978 (le 19 juin précisément avait débuté un conflit de trois semaines pour les mêmes raisons), le groupe n'avait pas connu pareille colère. «Nous réclamons 1 000 francs d'augmentation. Ça fait à peine 2,50 francs de plus sur le prix de vente des fours à micro-ondes», martèle Lionel Müller, délégué CGT. Le jour, dès l'aube, les femmes prennent le relais. M