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Libération
Reportage

Le Gard défend sa transhumance pied à pied. Les éleveurs de plaine s'accrochent, alors que les primes sont doubles en montagne.

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publié le 28 juin 1995 à 5h53

Mont Aigoual, envoyé spécial

L'ordre est lancé d'une voix douce et posée: «Full, à droite. Pousse-les.» Pour ne pas effrayer le gros des bêtes, la chienne entame un large arc de cercle sur le flanc droit du troupeau, se rabat vers trois agnelles indisciplinées et les remet dans le rang en découvrant ses crocs. Pierre Fournier observe la manoeuvre en plissant les yeux de satisfaction. Pour avoir sillonné un demi-siècle durant les «drailles» (pistes) qui strient les montagnes cévenoles, le berger connaît les vertus d'un bon chien: obéissance, initiative et rapidité d'intervention. La brebis de tête ­«une vieille qui a déja fait quatre transhumances et possède le chemin sur le bout des pattes»­ contient pour sa part le flot des jeunettes qui se pressent sur ses sabots.

Comme chaque année, Pierre mène 750 brebis des plaines gardoises aux paturages verdoyants situés à mi-chemin des Causses du Larzac et de la Lozère. Trois jours de marche sur des chemins caillouteux entre garrigue et piémont, suivis de trois mois de solitude entre à-pics et prairies sur les plateaux de Dourbie, à 1.300 mètres d'altitude. En plus de ses 200 animaux, cet éleveur de 58 ans accueille deux autres troupeaux à raison de 42 francs par tête. Charge à lui d'acquitter le loyer des 120 hectares de pâture nécessaires aux animaux (chaque brebis consomme 5 kg d'herbe par jour), les médicaments pour les malades, et de supporter le manque à gagner dû à ceux qui mourraient d'une morsure de vipère, d'une chute ou d