Les gyrophares des tracteurs strient les brumes matinales
d'inquiétantes déchirures orangées. A quelques kilomètres de Chartres (Eure-et-Loir), la Beauce profite des derniers jours de l'été pour préparer ses mornes plaines à recevoir les semis d'automne. Blé dur ou tendre, maïs, tournesol, pois ou jachère, les assolements pour la campagne 1995-1996 sont soigneusement programmés en fonction de la qualité des terres et... des primes versées par l'Union européenne dans le cadre de la politique agricole commune (PAC).
Blazer croisé et pantalon de flanelle grise, Bernard encourage d'un clin d'oeil son ouvrier agricole occupé à déchaumer les ultimes arpents d'un champ qui vient mourir en bordure de l'autoroute A11. «Depuis deux ans, ma principale culture, c'est la jachère et la prime, ironise ce propriétaire de 345 hectares qui a opté pour le gel «volontaire» de 30% de ses terres. On nous les a imposées, on s'y est habitué et on a trouvé le moyen d'en profiter!» Cette seule opération, rémunérée par Bruxelles à raison de 2.299 francs l'hectare dans sa région, lui rapporte annuellement quelque 240.000 francs, de quoi largement couvrir ses frais fixes. Rien ne l'empêche, par ailleurs, de toucher sur ces mêmes hectares des subventions «faune sauvage» (destinées à favoriser la reproduction du gibier), à condition d'assurer un couvert non agricole sur les parcelles faisant l'objet d'un accord avec la fédération des chasseurs de son département. Il peut également opter pour une «jachère in