Menu
Libération
Reportage

Les producteurs d'armagnac en ont ras le chai

Article réservé aux abonnés
Les ventes en France stagnent, les exportations ne décollent pas. Et les stocks s'accumulent...
publié le 19 octobre 1995 à 9h09

Costume croisé et sourire aux lèvres, Li Changchuen déguste un «30 ans d'âge» en faisant habilement tournoyer l'alcool brun dans son verre ballon. Le patron de la province chinoise du Sichuan (sud-ouest de la Chine) et les délégations qu'il conduit sont toujours reçus avec beaucoup d'égards à Eauze, un bourg du Gers situé au coeur du vignoble de l'armagnac. Son pays, gros consommateur de spiritueux, constitue en effet un marché potentiel convoité par les viticulteurs locaux en quête de nouveaux débouchés.

Aujourd'hui pourtant, Changchuen jette un froid dans l'assistance en déclarant sans sourciller: «En Chine, nous avons des qualités de terres identiques à celles d'ici. Nous pourrions y faire pousser les mêmes cépages et fabriquer de l'armagnac!» Les négociants présents blêmissent devant cette menace à peine voilée d'une production asiatique à grande échelle qui leur couperait la route de l'eldorado escompté, leur ôtant du même coup toute velléité de se refaire une santé.

En l'espace de cinq ans, les ventes de l'eau-de-vie de Gascogne ont chuté de 35% dans la zone d'appellation, et la lourdeur des stocks (plus de 220 000 hectolitres d'alcool pur soit dix années d'avance, sans compter les «stocks morts» évalués à 50 000 hl qui dorment dans les caves des particuliers) obèrent la santé financière des chais. «Ces stocks importants mis en vieillissement sont évidemment un atout pour un alcool de garde. Mais en revers de la médaille, ils se révèlent également être un terrible handic