Les camions qui entrent tous les jours avec des cargaisons de bières
étrangères ne menacent pas la brasserie Pivara. L'inauguration d'une multitude de bars, le retour des matchs de foot, la promesse de la démobilisation d'une partie des hommes encouragent plutôt la consommation. La brasserie, grâce à l'électricité, l'eau courante et l'arrivage de vrai houblon, fabrique à plein régime une bière qui perd l'aigreur et l'amertume du riz humanitaire. Cette Sarajevski coûte trois fois moins cher que la bière slovène, rappelle la belle époque et ravit une clientèle fidèle.
La boulangerie industrielle Velepekara, près de la gare, ne craint pas non plus l'importation de cargaisons de boîtes de biscuits et gaufrettes écoeurantes ou la réouverture de boulangeries de quartier. Ces deux entreprises, la Compagnie des transports, qui met en route et entretient de plus en plus de bus et de tramways, et les services de la voirie, qui bouchent les trous d'obus sur le macadam, retrouvent leurs embauches et leurs cadences de travail d'avant guerre.
Chaque matin, de nouveaux artisans lèvent leur grille: garages, ateliers de confection, manufactures de souvenirs, chantiers surtout. Plombiers-zingueurs, chauffagistes, menuisiers, vitriers profitent de la trêve pour remplir les carnets de commandes. Les scies, perceuses, parfois marteaux- piqueurs ou bétonneuses qui résonnent un peu partout ne peuvent cependant faire illusion: 120 seulement des 4.000 entreprises industrielles enregistrées à la chambr