Bouconville-Vauclair, envoyé spécial
«Les Allemands arrivent toujours de là-bas... Nous, on les attend ici!» Henri De Benoist a arrêté son 4 X 4 sur les hauteurs de Bouconville-Vauclair (Aisne), un village situé entre Reims et Laon, dont il est maire depuis près de trente ans. Il désigne du doigt les crêtes boisées qui se profilent à l'Est, au-delà des vallées de l'Ailette et de la Bièvre, et esquisse un triste sourire: «En fait, c'est une région terrible. Lors de la Seconde Guerre mondiale, elle devait être annexée par le IIIe Reich. Ma ferme elle-même a été occupée par les nazis jusqu'en 1944.» Les 265 hectares de la propriété du président des céréaliers de France jouxtent le chemin des Dames, haut lieu des boucheries de la Grande Guerre. En bordure de champs, les savarts, ces buttes de terre déchiquetées par les cratères d'obus, classés patrimoine national. Bouleaux et herbes folles y trouvent refuge. Au coeur du pays picard, De Benoist cultive 75 hectares de betteraves sucrières, 100 hectares de blé, des pois, du colza, du tournesol et... de la jachère.
Le patron du lobby céréalier incarne les intérêts de 95.000 gros producteurs qui ont la mainmise sur la Beauce, l'Ile-de-France, la Champagne, le Nord, l'Aquitaine ou le couloir rhodanien. Plus de 16% du territoire (9 millions d'hectares) est emblavé chaque année, pour un solde net de 30 milliards de francs dans la balance commerciale. De Benoist, riche héritier d'une lignée qui habite le château de Bouconville-Vauclair, t