Le recrutement n'a jamais été une science exacte, certes, mais ces
temps-ci l'exercice relève franchement de la figure libre. Et pour cause. Les directeurs des ressources humaines nagent en plein brouillard. Ils sont tout juste capables de prévoir le nombre d'embauches auxquelles ils vont pouvoir procéder dans l'année. Mais ont beaucoup plus de mal à décrire les contenus des postes qu'ils ont à pourvoir.
«Prenez un compte-clé chez nous, explique par exemple Eric Fiessinger, directeur des ressources humaines de la marque Pernod, c'est-à-dire un commercial qui s'occupe des relations avec la grande distribution. Il y a quelques années, on lui demandait avant tout d'être un excellent vendeur. Aujourd'hui, on vérifie aussi qu'il a des notions pointues de logistique et de gestion financière. Demain, on exigera encore autre chose.» Les métiers évoluent sans cesse, se complexifient, s'enrichissent ou s'appauvrissent. Résultat, les responsables du recrutement ne savent plus qui embaucher. Ils tâtonnent: «A quoi va me servir d'intégrer un bon technicien du contrôle de gestion si, dans trois ans, son expertise est devenue dépassée?» s'interroge Vincent Gailhaguet à la Scor, une société de réassurance: «Je préfère choisir quelqu'un de moins spécialisé, mais qui soit intellectuellement mobile, donc capable d'acquérir rapi- dement les compétences requises pour le poste, puis, le jour où elles seront obsolètes, d'en intégrer d'autres, voire de basculer du contrôle de gestion au commerce