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Libération

L'éternel retour du paupérisme

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publié le 29 avril 1996 à 3h36

Les utopies capitalistes sont frappées de malédiction: chaque fois

que la société semble se réconcilier avec l'idée qu'une société «ouverte» doit nécessairement être une société «juste», la montée du paupérisme vient interdire l'optimisme. Ainsi la Renaissance du XVIe siècle, fondant la confiance de l'homme dans une société laïque, s'est-elle brisée dans la deuxième moitié du XVIIe siècle sur la question de la pauvreté et du vagabondage et s'est-elle conclue sur un grand «enfermement» des «inutiles-au-monde», pour reprendre la formule de Robert Castel (dans son livre les Métamorphoses de la question salariale). De même, l'utopie capitaliste née au XVIIIe siècle s'est-elle à nouveau brisée au XIXe siècle sur la grande misère du prolétariat urbain. Enfin, les espoirs mis après-guerre dans le bon fonctionnement de l'Etat-providence se brisent-ils, aujourd'hui, sous nos yeux, sur l'incapacité dudit Etat à éviter l'explosion d'une société duale. Les formes prises par cet «éternel retour du paupérisme» ne sont pas fixes. Outre-Atlantique, il s'exprime dans une société où les inégalités salariales se creusent continûment tandis qu'en Europe, le phénomène inégalitaire porte sur la question de l'emploi: «Europe Jobless, America Penniless», comme l'exprime fort bien Paul Krugman.

Quelle est l'origine de ce retour du paupérisme dont nous sommes les contemporains? Plusieurs explications ont été avancées: un progrès technique défavorable aux ouvriers non qualifiés, la concurrence des pays