«Nous voulons travailler, mais pas dans des conditions approchant l'esclavage. Les lundi, mercredi et vendredi, nous devons faire des journées de douze heures d'affilée. Nous avons droit à une pose de dix minutes, mais il y a à peine sept toilettes pour 600 ouvriers. Le reste du temps, elles restent fermées sous clef. Comment voulez-vous que 600 personnes partagent sept toilettes en dix minutes? A la cantine, chacun a droit à un seul bol de riz. La direction refuse de payer plus de 2.500 dongs (1,20 franc) par repas...» Dung, 26 ans, chef d'atelier chez Reeyong, une fabrique de sacs de voyage en similicuir, ne mâche pas ses mots. En s'improvisant syndicaliste indépendant, il défie le contrôle rigide qu'impose depuis 1975 le Parti communiste vietnamien (PCV), qui ne tolère qu'un seul syndicat officiel.
L'usine, sise à proximité de l'aéroport Tan Son Nhat de Ho Chi Minh-Ville, est un ancien entrepôt en béton armé qu'une société sud-coréenne a racheté et rénové en 1993 pour délocaliser ses unités de production au Viêt-nam. «Nous n'avons pas d'autre choix sauf un arrêt du travail pour nous faire entendre afin d'obtenir de meilleures conditions d'emploi», poursuit l'ouvrier spécialisé. Autour de lui, d'autres chefs d'atelier, identifiables à leur bleu de travail de couleur verte, acquiescent d'un mouvement de tête. «Chaque chef d'atelier doit d'abord en discuter avec ses ouvriers. Si la majorité se prononce pour la grève, nous la déclencherons. Mais il nous faut attendre un bon pr