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Libération

«On ne valait donc pas un clou?»Chez Thomson à Angers, on se sent humilié par la cession à 1 franc.

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publié le 18 octobre 1996 à 0h25

Angers envoyé spécial

Le long bâtiment rayé de jaune de l'usine Thomson Télévision Angers est coiffé de paraboles. Les images captées sont internationales, mais les perspectives de mondialisation sous la coupe d'un géant asiatique n'enchantent pas le personnel. Sur les chaînes de production de téléviseurs de l'usine qui emploie 1 370 salariés, le rythme a sérieusement molli mercredi quand les OS ont entendu sur leurs postes de radio l'annonce de la «préférence» du gouvernement pour la solution Matra. Cela signifiait pour les Angevins une absorption pure et simple par le groupe coréen Daewoo.

Les chaînes tournent au ralenti. France Info, puis RTL ont propagé la nouvelle dans tous les ateliers, où travaillent 70% de femmes. Le montage des circuits imprimés, des tubes cathodiques, et des châssis sous marque Thomson ou Telefunken s'est soudain fait au ralenti. Depuis, dans le «métro», cette galerie souterraine qui longe les ateliers, les changements d'équipe donnent lieu à des discussions inquiètes. La cession pour le franc symbolique est vécue comme une humiliation par les ouvrières: «Que Thomson, une grande entreprise française, soit rachetée pour rien, c'est écoeurant. Ce qu'on fait ici, ça valait donc pas un clou?» Employés depuis longtemps par l'usine qui fêtera ses quarante ans l'année prochaine, les salariés se sentent liés tant au produit qui sort des chaînes qu'à sa qualité et à sa réputation. «Ouais, en fait, on est plus enchaîné qu'attaché», rectifie un moustachu en bl